1 Introduction
Les ancres métalliques équipent l'extrémité des tirants, afin de permettre la transmission des efforts de traction de ces éléments dans la maçonnerie. Elles font partie des fers de bâtiments, ou encore des ouvrages de serrurerie présentés dans les traités de la construction. Ces tirants équipés d'ancres peuvent être au sens large un tirant métallique extérieur, un tirant métallique intérieur (ou chaînage - Fig. 1), un élément de plancher (poutre ou solive, en bois ou en métal - Fig. 2), un élément de charpente (entrait, panne, panne faitière), un poitrail en métal ou en bois (Fig. 3), une plate-bande clavée (Fig. 4) etc. Les ancres sont positionnées à l'intérieur du mur (ancre intérieure - Fig. 1 au centre), ou au niveau du parement (ancre extérieure - Fig. 1 à gauche et à droite). Les ancres extérieures ne sont pas nécessairement visibles, car elles peuvent être engravées dans le parement de manière à disparaître sous un enduit2 (Fig. 1 à gauche, Fig. 2). Nous donnerons dans la suite des informations concernant principalement les ancres extérieures apparentes. Cela ne signifie pas qu'elles sont les plus nombreuses, mais simplement que les informations sur les ancres intérieures et sur les ancres extérieures non apparentes sont plus difficiles à obtenir. Nous présentons dans la suite une typologie des ancres extérieures apparentes, principalement à partir d'informations des traités de construction français du XVIIIe et XIXe siècle, mais aussi à partir d'exemples d'ancres italiennes (provenant de Ombrie et Basilicata en Italie principalement). Nous donnerons ensuite quelques éléments sur l'historique et l'évolution des ancres.Fig 2: Tirant et ancre à l'extrémité d'une poutre
d'après Blondel et Patte (1777 [3, Pl. LXXIII]) - scanné par Google
d'après Blondel et Patte (1777 [3, Pl. LXXIII]) - scanné par Google
2 Typologie des ancres extérieures apparentes
La présentation de la typologie des ancres qui suit ne concerne que les ancres extérieures apparentes.2.1 Formes
Principales formes d'ancres Les formes que peuvent avoir les ancres sont trop nombreuses pour pouvoir faire l'objet d'une liste exhaustive. Nous indiquons ci-dessous seulement les formes les plus courantes :- barres droites, avec extrémités généralement chanfreinées (Fig. 5 à g.). Cette forme est la plus simple qui existe. La barre est le plus souvent simple, mais elle peut être doublée pour obtenir une ancre plus massive (Fig. 5 à d.). Le profil de la barre peut varier le long de l'ancre pour empêcher le glissement de cette dernière à travers l'œil du tirant, comme nous le verrons plus loin.
- barres en S. Ce sont des barres droites cintrées. On distingue deux familles principales :
- barres en double S (Fig. 6 à d., Fig. 22). Ces barres sont généralement deux C mis dos-à-dos, de manière à éviter le croisement des barres au niveau de l'œil du tirant. Le terme double S est trompeur, mais utilisé dans les différents traités de la construction du XVIIIe que nous avons consulté.
- barres en X (ou en croix de Saint-André) et les barres en croix latine (croix ancrée). Représentées par Viollet-le-duc (Fig. 10, les deux figures de gauche) et souvent reprises dans les traités de construction, ce type d'ancre semble en pratique assez peu répandu (Fig. 9).
- barres en Y et barres en T (Fig. 6 à g.). Ces barres sont des barres droites, dont on cintre ou on coude la partie supérieure, pour y souder ensuite une barre supplémentaire de manière à obtenir une forme symétrique.
- ancres décoratives - voir la partie consacrée à ce type d'ancres ci-dessous.
- plaques, avec ou sans ailerons, rondes, elliptique, ou rectangulaire. Appelées rosaces par Fredet (2003 [14, Art. Ancrage, ancre]). Les ailerons, qui raidissent la plaque, peuvent également être appelés raidisseurs. Nous n'avons pas trouvé d'exemple de plaque sans raidisseurs.
Fig 10: Quatre dessins d'ancres - croix ancrée, croix de Saint-André, sous forme de lettre, et comportant des rinceaux
d'après Viollet-le-duc 1858 [20] - scanné par Wikisource
d'après Viollet-le-duc 1858 [20] - scanné par Wikisource
Fig 12: Extrémité décorée d'un tirant (à g.) - Crochet de pose avec croissant de lune (à d.)
Marches (Italie)
Marches (Italie)
Fig 13: Ancres décoratives de la façade arrière du 144 rue du Faubourg Saint-Denis, Paris
Bureaux de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est - 1887-1888 Adrien Gouny architecte
Bureaux de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est - 1887-1888 Adrien Gouny architecte
Fig 14: Ancres décoratives du 10 rue des Quatre-Fils, Paris
Ecole élémentaire Quatre-Fils - 1877 Chat architecte
Ecole élémentaire Quatre-Fils - 1877 Chat architecte
2.2 Liaison ancre-tirant
Ancres traversantes, et ancres traversées La liaison entre l'ancre et le tirant est un élément essentiel de la typologie des tirants. Les ancres peuvent être passées à travers une boucle formée par le tirant à son extrémité, qui est appelée œil du tirant. Nous appellerons ce type d'ancre une ancre traversante. A contrario, les ancres peuvent être traversées par le tirant, qui se termine alors le plus souvent par un filetage pour permettre la fixation de l'ancre grâce à un écrou. Nous appellerons ce type d'ancre une ancre traversée. Les photos des Fig. 7 et Fig. 8 montrent des ancres en S, traversantes ou traversées. Nous n'avons pas connaissance de l'existence d'ancres traversées avant le début du XIXe siècle3 en France. Denfer présente cette évolution de la typologie et ses avantages comme suit (1894 [10, 99.]). "Avec les ancres apparentes, on a bien de l'avantage à remplacer les extrémités précédentes des chaînes par des tiges filetées munies d'écrous. Ces tiges traversent les ancres, qui sont disposées à cet effet et munies d'un trou de diamètre convenable. Il est de toute évidence que la section de la partie filetée, mesurée à son noyau, doit correspondre à la section de la chaîne, et que la soudure doit être en rapport avec la solidité de la section courante fig. 124. [...]" L'apparition des ancres traversées est probablement contemporaine à l'apparition des plaques en fonte servant d'ancre.Fig 15: Plaque en fonte (large rondelle en fonte)
mentionnée par Denfer dans le cadre des maçonneries chauffées (cheminées, fourneau)
d'après Denfer 1894 [10] - scanné par la BNF
mentionnée par Denfer dans le cadre des maçonneries chauffées (cheminées, fourneau)
d'après Denfer 1894 [10] - scanné par la BNF
- talon d'arrêt, dont la fonction est de servir de butée pour empécher le glissement. Il peut prendre plusieurs formes :
- crochet de pose, coin : élément complémentaire, également passé à travers l'œil du tirant (Fig. 19, Fig. 18). Il peut également servir à mettre en tension le tirant.
- barre de section croissante de bas en haut (Fig. 25)
- blocage assuré par la forme de l'ancre Fig. 9.
Fig 19: Ancres droites avec crochet de pose
Marques de forgeron visibles en pied d'ancre et sur le crochet de pose
Maintenon
Marques de forgeron visibles en pied d'ancre et sur le crochet de pose
Maintenon
2.3 Orientation, positionnement
Les barres droites sont généralement positionnées à la verticale ou à 45o, et plus rarement à l'horizontale. Ce dernier cas est le moins favorable et peut provoquer le poinçonnement de la maçonnerie en concentrant les contraintes dans un seul joint d'assise. La position des ancres par rapport à l'œil du tirant doit être choisie de manière à ce que les efforts puissent se répartir correctement dans la maçonnerie. Il faut que l'œil soit positionné environ au centre de gravité de l'ancre (Denfer 1894 [10, 99.]). Cette condition n'est pas toujours facile à respecter, en raison de la présence de baies ou de bandeaux qui gênent le positionnement de l'ancre (voir par exemple la photo au centre sur la Fig. 18, ou le bandeau a du être entaillé pour laisser la place à l'ancre). Cependant on observe fréquemment des désordres lorsqu'elle n'est pas respectée, en particulier la déformation de l'ancre et le poinçonnement de la maçonnerie. La position des ancres sur la façade permet de repérer facilement les niveaux et positions des éléments de charpente (poutres, pannes, solive) lorsqu'elles y sont attachées.2.4 Matériaux et façonnage
Le mode de façonnage utilisé pour la fabrication des ancres est intimement liée au type de matériau. Les ancres sont réalisés en fer forgé avant le XIXe siècle, puis en fonte et / ou fer puddlé, ces derniers étant progressivement remplacés par l'acier à partir de la fin du XIXe siècle. Il existait également des ancres en bois pour les pans-de-bois de maisons du XVe siècle, mais nous ne reviendrons pas sur ce dernier type d'ancre dans la suite (Viollet-le-duc 1858 [20]). A la forge Duhamel du Monceau donne les méthodes de façonnage des ancres en fer forgé en S, en X et en T, avec soudage à la forge (1767 [12, p. 44]). Les ancres en fer forgé et leur éventuel crochet de pose présentent parfois des marques de forgeron distinctives, dont nous ne connaissons pas la signification Fig. 19. Fonderie L'apparition des ancres en fonte permet au XIXe siècle la production d'ancres décoratives en série. Denfer note à ce propos : "Le moulage en fonte des ancres est particulièrement avantageux et indiqué lorsque ces pièces se répètent, identiques, un grand nombre de fois dans la façade d'une bâtiment. Le prix de façon est alors faible, et les frais de modèle disparaissent, pour ainsi dire, en raison du nombre de pièces sur lequel ils se répartissent. [...]" (1894 [10, 99.]) Les plaques en fonte ne devaient pas présenter de brusques changements d'épaisseur, en raison des procédés de fonderie. Les raidisseurs des plaques ont donc des épaisseurs proches de celle des plaques elles-mêmes. Ce point est un indice pour reconnaître les plaques en fonte (Fig. 21). Soudage Le façonnage des ancres est profondément marqué par l'apparition du soudage à la fin du XIXe siècle5. Ce procédé d'assemblage permet d'unir facilement et à faible coût des barres entre elles ou avec des plaques. Il devient alors possible de former des ancres traversées en X, en double S, ce qui n'était autrefois pas réalisable pour les ancres forgées. La forme des plaques est modifiée également par l'apparition du soudage. L'apparition des plaques en acier formés de plusieurs éléments soudés entre eux supprime les contraintes concernant les épaisseurs que nous avons vu ci-dessus, et rend possible la création de nouvelles formes (Fig. 23). Ce procédé s'accompagne également d'une rationalisation de la quantité d'acier nécessaire pour les plaques, et la diminution de l'épaisseur de ces dernières (Fig. 24). Le mode d'assemblage des différentes barres entre-elles est donc un marqueur historique utile pour estimer l'époque d'une ancre. Traitement anti-corrosion Le métal des ancres étant exposé à la corrosion, des traitements superficiels étaient parfois appliqués sur ces dernières pour en retarder l'apparition. Parmi ces traitements, on peut citer le minium7 au XIXe siècle.2.5 Dimensions
La dimension de l'ancre doit être suffisante pour permettre de répartir les efforts sur le parement du mur, sans quoi des désordres liés au poinçonnement de ce dernier pourraient apparaître (Fredet 2003 [14, Art. Ancrage, ancre]). La dimension est donc liée à la nature de la maçonnerie. Si l'ancre prend appui sur une chaîne d'angle en pierre de taille, sa dimension peut être plus faible que si elle prend appui sur un parement en maçonnerie de petits moellons grossièrement équarris. Des exemples d'ancres de dimensions très réduites sont donnée sur les photos ci-dessous. S'il est possible de déterminer précisément par le calcul les efforts à reprendre pour un tirant extérieur aux maçonneries (par exemple tirant de voûte), cela n'est pas possible pour les tirants intérieurs aux maçonneries (formant chaînage). Denfer note sur ce point :"il est difficile de se rendre compte par le calcul, dans la plupart des cas, des dimensions qu'il est convenable de leur donner, car on n'a aucun moyen d'évaluer les efforts de disjonction qui sont susceptibles de se produire. La pratique seule y supplée ordinairement : [suivent les dimensions préconisés par Denfer]" (Denfer 1894 [10, 99.]). Nous avons réunit ci-dessous différentes sources mentionnant la dimension qui étaient données aux ancres.- Diderot et d'Alembert 1765 [11] : "Une ancre (fig. 12. & 13.) est une barre de fer quarrée proportionnée au tiran (fig. 14.) d'environ trois ou quatre piés de long sur un pouce ou deux de grosseur [...]"
- Jacques-François Blondel 1777 [3] : "La figure VIII est le profil d'une poutre V, au bout de laquelle est une bande de fer R, qui y est coulée & arrêtée par un talon, & un ancre8 S, de 3 à 4 pieds de longueur, destiné à retenir l'écartement d'un mur de face ST" - voir Fig. 2
- Denfer 1894 [10, 98.] pour les ancres intérieures :"Si le mur est en pierres de taille, on attache les ancres aux pierres d'encoignure ou de croisement, à l'aide d'un bout de fer rond vertical nommé ancre, d'une longueur de 0m40 à 0m50 et d'un diamètre de 0m040 à 0m050. Cette ancre est noyée, moitié sous la chaîne, moitié au dessus, dans les deux assises superposées [...] Si le mur est en petits matériaux, la disposition est différente [...] Il y a tendance à toujours exagérer la longueur des ancres, elles risques alors de fléchir et de mal porter sur la maçonnerie ; une longueur de 0m30 à 0m40 est suffisante pour la résistance dans la plupart des cas. Le fer employé est du carré de 0m030 à 0m040."
- Barré 1896 [2] "Les ancres entrent le plus souvent verticalement dans un trou de 0m40 à 0m50 de profondeur et dépassent la maçonnerie de 0m10 environ. Pour la maçonnerie de moellons ou briques, les ancres sont en fer carré de 30/30 et de 0m50 de long ; on y pratique une tranchée pour loger l'ancre et on la rebouche avec du mortier ou du plâtre. Pour les maçonneries en pierre de taille, les ancres sont en fer rond de 0m03, placées dans l'axe des murs"
- A Paris, Fredet donne les dimensions classiques suivantes (2003 [14]) : "ancre en fer carré d'environ 15 lignes de côté [3,4cm] et de 3 à 4 pieds [1m00 à 1m30] de long, placée au nu extérieur des murs - à l'épaisseur d'enduit près - en intéressant la plus grande surface verticale d'ancrage possible dans la paroi maçonnée (environ trois hauteurs d'assises en pierre de taille)."
- Les dimensions des ancres pouvaient être spécifiés dans les documents écrits spécifiant les contrats de travaux. Epaud en donne un exemple pour l'abbaye de Royaumont en 1725, où on lit par exemple "ancres de fer de quatre pieds de long et de dix-sept à dix-huit lignes de gros" (2006 [13, p. 52]).
Fig 26: Beffroi de Bruges - Agence Rol. 1916
Ancres droites de 3m40 de haut visibles au dessus des créneaux du bâtiment
scanné par la BNF
Ancres droites de 3m40 de haut visibles au dessus des créneaux du bâtiment
scanné par la BNF
3 Historique et évolution
3.1 Vocabulaire
D'Aviler indique dans son dictionnaire en 1755 à propos du terme d'ancre, que "ce mot se dit par métaphore à l'Ancre des vaisseaux, [...]" (1755 [8, Art. Ancre]). Tous les ouvrages que nous avons consulté emploient le terme d'ancre. Delorme utilise lui l'orthographe anchre (1561 [9, p. 56]). Cependant, si le terme d'ancre est commun à tous les auteurs, ils peuvent également utiliser d'autres termes pour désigner un type d'ancre particulier :- aisson : petite ancre à quatre bras (Bosc 1877 [5])
- ancriau : synonyme d'ancre, terme employé par les ouvriers selon Bosc (1875 [4, p. 142]), également utilisé par Barré (1896 [2])
- ancrure : ancre droite ("barreau de fer" Bosc 1877 [5])
- clef pourrait renvoyer également au concept d'ancre, ou du système "ancre + tirant" en about de poutre chez Delorme et D'Aviler9 (1561 [9, p. 5], 1691 [7, p. 105]).
- rosaces : désigne les ancres sous forme de plaque (Fredet 2003 [14, Art. Ancrage, ancre])
3.2 L'emploi controversé du fer dans l'architecture
Il est difficile de donner des règles générales sur l'utilisation des ancres, alors que leur usage et leur typologie dépend à la fois du lieu géographique, de l'époque, du type de construction, des pratiques du maitre d'œuvre etc. Par exemple, Delorme10 critique les habitudes des maçons parisiens qui utilisent le fer, et en particulier les ancres, pour renforcer les murs, et selon lui faire ainsi une économie en leur donnant moins d'épaisseur. Cette critique souligne à la fois l'existence de la pratique d'utiliser les ancres, et l'opposition de certains maîtres d'œuvre à cet emploi du fer dans la construction (Delorme 1561 [9, p. 5-6,56-57]). Nous nous limiterons donc à citer dans la suite quelques indications tirées de la littérature, avec le contexte de ces indications. La taille et le style des ancres peuvent constituer des indices pour permettre de dater, ou au moins de regrouper les ancres par période de travaux sur un bâtiment, lorsque les données sur l'historique de la construction et des renforcements font défaut. Bosc semble indiquer également le cas d'ancres sur lesquelles était inscrite la date de réalisation des travaux (1878 [6, p. 363]). Notons pour finir quelques facteurs qui ont pu concourir à au développement de l'utilisation des ancres :- mise en place de réglementation (règlements de police par exemple à Paris, cités par Fredet - 2003 [14, p. 46])
- émulation esthétique, particulièrement en Europe du Nord où les ancres apparentes décoratives sont plus présentes qu'en France
- de façon plus récente, les tirants peuvent être utilisés afin de diminuer la vulnérabilité face aux séismes des bâtiments anciens. Il est alors plus simple et moins coûteux pour les constructions modestes de laisser l'ancre apparente sur les façades, ce qui a probablement conduit à la multiplication d'ancres apparentes à Assise11.
3.3 Exemples géographiques
Architecture parisienne La plupart des informations figurant ci-dessous sur l'utilisation des ancres à Paris sont tirées de l'ouvrage de Fredet Les maisons de Paris : Types courants de l'architecture mineure parisienne de la fin de l'époque médiévale à nos jours, avec l'anatomie de leur construction (2003 [14]). Les ancres apparentes sont fréquentes dans la maison de type gothique (2003 [14, p 46. et Art. Ancrage, ancre]). Elles sont dissimulées au XVIIIe siècle (ancres extérieures sous enduit ou ancres intérieures). L'usage montre pour l'architecture parisienne l'emploi du fer (et de ces ancres non apparentes) de plus en plus fréquente de la période gothique jusqu'au XIXe siècle dans les maisons ordinaires comme dans la plupart des édifices monumentaux, et ce malgré l'opposition de certains auteurs comme Delorme (2003 [14, p. 46]). Les ancres apparentes, ou qui sont restés apparentes, sont peu fréquentes à Paris (voir quelques exemples figures 27 et 28). Elles reviennent brièvement au goût du jour avec les constructions des architectes rationalistes de la seconde moitié du XIXe siècle (voir par exemple figures 13 et 14).Fig 27: Façades de maisons parisiennes avec ancres visibles
rue Massillon en 1902 (à g.) - rue François Miron en 1899 (à d.)
Atget - source Bibliothèque numérique INHA et BNF
rue Massillon en 1902 (à g.) - rue François Miron en 1899 (à d.)
Atget - source Bibliothèque numérique INHA et BNF
- Savot12 à propos des bâtiments particuliers à Paris en 1673 [19, p. 281-282].
- Blondel et Patte (1777 [3, p. 282-315]) - voir figure ci-dessous.
Fig 30: Façades de maisons avec ancres (en bleu) non apparentes du XVIIIe siècle
Façade d'une maison en pierre de taille (à g.) et Façade d'une maison bâtie en moilons (à d.)
d'après Blondel et Patte (1777 [3, Pl. LXXIV et LXXVIII]) - scanné par Google
Façade d'une maison en pierre de taille (à g.) et Façade d'une maison bâtie en moilons (à d.)
d'après Blondel et Patte (1777 [3, Pl. LXXIV et LXXVIII]) - scanné par Google
3.4 Evolution
Il est possible de présenter une évolution typologique assez claire, en partant de l'ancre droite : l'ancre droite traversante est la forme de base, la plus simple à concevoir puisqu'elle ne se compose que d'une barre droite. Cette ancre droite traversante évolue en une ancre droite traversée, qui demande un travail du fer plus important, pour ménager le passage du tirant. Cette ancre droite devient ensuite une plaque traversée, substituant à une ligne d'appui une surface d'appui. Cette évolution ne dépend pas du décor de l'ancre, et est adaptable aux autres types d'ancres traversante (en S, en double S etc.). Elle doit être prise avec précaution car elle correspond à une logique typologique et non historique. Cette évolution typologique pourrait peut-être correspondre dans une certaine mesure à l'évolution historique des ancres. En effet il est possible de relier cette évolution typologique à une série de nouveautés techniques qui la rendent possible : la généralisation des systèmes filetés dans le domaine de la construction au XIXe siècle (nécessaire pour faciliter l'utilisation des tirants aux extrémités filetées), le développement des pièces en fonte de fer à la fin du XVIIIe siècle (nécessaire pour produire des plaques rigides avec raidisseurs), le développement des techniques de soudage à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle.3.5 Conclusion
Nous concluons cet article avec une série d'exemples italiens d'ancres traversantes, d'ancres traversées, et de plaques, qui viennent compléter les différents exemples que nous avons donné jusqu'ici.Article mis en ligne le : 22/09/2013.
Révisé le : 24/09/2013.
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