1 Introduction
Petit publie en 1835 son Mémoire sur le calcul des voûtes circulaires dans le Mémorial de l'officier du génie [5]. Il accompagne ce mémoire de tableaux permettant le calcul des poussées des voûtes en berceau, et le calcul des épaisseurs des piédroits qui supportent ces voûtes. Les tableaux de Petit semblent avoir connu un certain succès, et sont repris par plusieurs auteurs au XIXe siècle dans des cours généralistes sur la construction : Claudel (1857 [1], 1864 [2, p.1098-1106] etc.), Demanet (1861 [3, p.515 et suivantes])... Les tableaux de Petit sont particulièrement simples d'utilisation. Nous allons montrer ci-dessous comment les utiliser pour calculer rapidement la poussée d'une voûte en berceau. Nous verrons également à quoi correspond la poussée calculée du point de vue du calcul à la rupture. Nous reprenons ci-dessous les tableaux et notations tels que présentés par Demanet (1861 [3]).2 Présentation des tableaux
2.1 Typologies, notations, hypothèses
Petit considère plusieurs types de voûtes en berceau :- voûtes en plein cintre, à extrados parallèle ;
- voûtes en plein cintre, extradossées en chape à 45o ;
- voûtes en plein cintre, à extrados de niveau ;
- voûtes en arc de cercle, extradossées parallèlement.
- $r$ : rayon de l'intrados (rayon intérieur)
- $R$ : rayon de l'extrados (rayon extérieur)
- $K=R/r$ : rapport entre le rayon de l'extrados et de l'intrados, utilisé comme paramètre principal des tableaux
- $h$ : hauteur du piédroit
- la résistance de la maçonnerie à la traction est nulle ;
- la résistance de la maçonnerie à la traction est infinie ;
- l'angle de glissement de la maçonnerie est égal à 30o ;
- le poids volumique est constant (voûte, chape, et piédroits). La hauteur de la chape doit donc être adaptée si le poids volumique de cette dernière est différente de celle de la maçonnerie.
2.2 Résultats contenus dans les tableaux
Les tableaux donnent les informations suivantes :- Poussée minimale $P$ de la voûte. Cette valeur est donnée sans unité. Il faut la multiplier par la masse volumique et par la profondeur de la tranche de voûte considérée, pour obtenir le résultat voulu.
- Angle de rupture $z$, compté depuis la verticale, correspondant à la position de la rotule ou du glissement liée à la poussée minimale.
- Epaisseur $x$ à donner au piédroit de la voûte. Petit donne deux épaisseurs : l'épaisseur critique, et l'épaisseur de La Hire ou de Vauban.
2.3 Réinterprétation
Avant de donner des exemples d'utilisation des tableaux et des formules de Petit, il est intéressant de réinterpréter les résultats que nous allons obtenir à partir des concepts du calcul à la rupture. Petit donne dans son mémoire la valeur minimale de $K$ pour qu'une voûte en plein cintre à extrados parallèle soit stable : $K_{crit}=1,114$. Pour les $K$ supérieurs à cette valeur, on sait donc que le coefficient de sécurité géométrique vaut au moins $1{,}00$, mais on ne connait pas sa valeur exacte. La poussée $P$ donnée par Petit correspond à la poussée passive, ou poussée minimale, pour un coefficient de sécurité géométrique de $1{,}00$, dans le cas où il n'y a pas de glissement. Nous reviendrons dans un prochain article sur les poussées actives et passives, et sur les coefficients de sécurités. Petit donne également la valeur de la poussée $P$ pour des valeurs de $K$ inférieures à $K_{crit}$. Pour ces valeurs de $K$ la ligne des pressions correspondant à la poussée $P$ donnée par Petit correspond à une ligne des pressions extérieure à la maçonnerie au niveau des naissances de la voûte (Fig. 1). Nous reviendrons plus en détail dans un prochain article sur la stabilité des piédroits. Nous pouvons noter pour le moment que :- Les formules données ci-dessus sont conservatives1, car on a pris $h=\infty $. Elles ne sont donc pas adaptées à la vérification du dimensionnement des ouvrages. Elles permettaient par contre de définir de nouveaux ouvrages.
- L'hypothèse du piédroit se comportant comme un bloc rigide n'est pas correcte, comme l'a montré Ochsendorf (2002 [4]). Il faudrait prendre en compte la création d'une ligne de fracture dans le piédroit, qui diminue la masse du piédroit contribuant à sa propre stabilité. Néanmoins, le facteur de sécurité $\mu=1,90$ permet probablement de se placer dans des conditions où cette fracture ne se produit pas.
3 Exemples d'application du calcul des poussées
3.1 Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
Mécanisme avec rotule dimensionnant Nous reprenons ici la première partie de l'exemple 701 de Demanet. Si on considère une tranche de voûte de 1ml, avec $r = 2,50$m et $R = 3,00$m, soit $K=1,2$, le tableau donne $C=0.11140$, et $P=C r^{2}=0,69625$2. Il reste à multiplier cette valeur par la masse volumique et la profondeur de la voûte considérée pour obtenir la poussée. Par exemple pour $\rho $ = 2400kg/m3 et une tranche de voûte de 1m00, on a $P=0,69625 \times 2400 \times 1,00=1671$kgFig 2: Ligne des pressions et mécanisme pour exemple 701 de Demanet
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
Fig 3: Ligne des pressions pour exemple 701 de Demanet
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
Fig 4: Ligne des pressions et mécanisme pour exemple 701 de Demanet
$K=1,50$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
$K=1,50$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
Fig 5: Ligne des pressions et mécanisme pour exemple 701 de Demanet
$K=1,50$ - Cas avec glissement
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
$K=1,50$ - Cas avec glissement
Voûte en plein cintre, extradossée parallèlement
3.2 Voûte en plein cintre, extradossées en chape à 45°
Exemple Si on considère une tranche de voûte de 1ml, avec $r = 2,50$m et $r = 3,00$m, soit $K=1,20$, le tableau donne $C=0,25806$, et $P=C r^{2}=1,612875$.Fig 6: Ligne des pressions et mécanisme
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossées en chape à 45°
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, extradossées en chape à 45°
3.3 Voûte en plein cintre, à extrados de niveau
Exemple Si on considère une tranche de voûte de 1ml, avec $r = 2,50$m et $r = 3,00$m, soit $K=1,2$, le tableau donne $C=0,13073$, et $P=C r^{2}=0,81706$.Fig 7: Ligne des pressions et mécanisme
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, à extrados de niveau
$K=1,20$ - Cas avec rotules
Voûte en plein cintre, à extrados de niveau
3.4 Voûte en arc de cercle, extradossée parallèlement
On pose en plus des notations déjà connues :- $L$ : ouverture ou portée de l'arc
- $f$ : flèche de l'arc
- $\alpha $ : demi-angle au centre
4 Conclusion
Nous reproduisons ci-dessous les tableaux de Petit (1835 [5]), tels que donnés par Demanet (1861 [3]). L'ensemble des livres correspondant sont à la date de rédaction de cet article disponibles sur Google Books. Nous avons vu que ces tableaux permettent de calculer rapidement les poussées passives des voûtes en berceau. Cependant, ils n'apportent aucune information sur le coefficient de sécurité géométrique de la voûte étudiée.Article mis en ligne le : 17/11/2012.
Bibliographie
- [1]
- J. CLAUDEL : Formules, tables et renseignements pratiques ; aide-mémoire des ingénieurs, des architectes, etc. Victor Dalmont, Paris, 4e édn, 1857.
- [2]
- J. CLAUDEL : Formules, tables et renseignements usuels ; aide-mémoire des ingénieurs, des architectes, etc. Victor Dalmont, Paris, 6e édn, 1864.
- [3]
- A. DEMANET : Cours de construction, vol. 1. E. Lacroix, Paris, 2e édn, 1861.
- [4]
- J. A. OCHSENDORF : Collapse of Masonry Structures. Thèse de doctorat, King's College, Cambridge, 2002.
- [5]
- PETIT : Mémoire sur le calcul des voûtes circulaires. In Mémorial de l'officier du génie, num. 12, p. 73-150. de Fain, Paris, 1835.