22 mars 2014

Balcons - Paris - Consoles en pierre

1 Les balcons en encorbellement - exemples parisiens

1.1 Introduction

Le balcon en encorbellement est un des éléments architecturaux le plus marquant des façades sur rue des édifices à Paris. Eléments récurrents des façades des immeubles haussmanniens au XIXe siècle, les balcons en encorbellement ont fait leur apparition à Paris environ 300 ans plus tôt, vers 1640-1650. Nous présentons dans cet article un corpus d'une cinquantaine de balcons construits entre 1636 et 1830. Ces balcons se trouvent aujourd'hui majoritairement sur les quais de Seine, et plus particulièrement sur l'Ile-Saint-Louis. Le fait que Louis Le Vau [1612-1670] ait "suggéré que toutes les maisons de ce côté [quai de Béthune] de l'île Saint-Louis en bordure de la Seine soient ornées de beaux balcons" n'est peut-être pas un hasard (Hillairet 1956). Le quai de Béthune était ainsi appelé jusqu'au XVIIIe siècle le quai des Balcons (Marrey 1989).
Balcon du 19 quai de Bourbon à Paris
Hôtel de Jassaud, 19 quai de Bourbon - 1642

Les exemples de balcons en encorbellement que nous allons donner viennent compléter ceux déjà réunis concernant les balcons à Palerme, et les balcons de Corse du Sud. Ces exemples, de divers lieux et époques, font partie d'une recherche que nous menons actuellement sur les systèmes constructifs en encorbellement. Ils serviront de corpus de référence pour étudier la typologie des balcons et leur stabilité dans le cadre d'un prochain article.

Les balcons à Paris sont innombrables. Nous avons choisi de limiter nos exemples aux balcons les plus anciens, et à ceux qui sont visibles depuis la rue. De plus, ce premier article concerne uniquement les balcons à console en pierre, un second article sera publié concernant les balcons à console métallique, moins nombreux à Paris mais peut-être encore plus dignes d'intérêt, en raison de la rareté des structures porteuses du XVIIe et XVIIIe siècle construites entièrement en fer. Il se peut que quelques consoles métalliques, travesties en consoles en pierre par l'emploi d'un corps d'enduit se soient glissées parmi les balcons présentées ici. Nous verrons dans un prochain article sur les balcons métalliques le cas de telles consoles.

1.2 Questions de méthode - choix des balcons, et datation

Le fil conducteur de ce blog étant l'étude de la stabilité des constructions anciennes et l'histoire de la construction, nous passerons sous silence les garde-corps, ouvrages de serrurerie ou ferronnerie qui sont parfois appelés eux-même balcons dans la littérature. De même, les balcons qui ne sont pas en encorbellement ne seront pas présentés ici.

La liste de balcons donnée ici n'est pas exhaustive. Comme nous n'avons retenu que les balcons sur rue, choix pratique pour les illustrations, les balcons donnés ici ne sont peut-être pas représentatifs de l'ensemble des balcons anciens à Paris. Par exemples les balcons d'hôtel particulier présentés ici correspondent à ceux dont le bâtiment principal possède une façade sur rue. Les hôtels particuliers entre cour et jardin ne sont pas dans ce cas. Les balcons sur cour (Hôtel Matignon, Hôtel de Noirmoutier, etc.), ou sur jardin (Hôtel de Soubise, Hôtel d'Evreux, Hôtel Biron, etc.) ne sont pas représenté dans les exemples donnés ici.

Les dates indiquées pour chaque exemple de balcon correspondent en réalité aux dates de construction des édifices, et donc pas nécessairement à la date de construction des balcons eux-même. Si la date de construction du balcon est connue avec certitude, cela est précisé explicitement, mais c'est malheureusement rarement le cas. Les deux sources principales pour les datations des édifices et des balcons sont Connaissance du vieux Paris de Hillairet (1956), et la base de donnée Mérimée pour les édifices (ou balcons seuls parfois) classés ou inscrits aux Monuments Historiques. L'histoire de l'architecture privée parisienne a fait l'objet de nombreuses études depuis la publication du livre de Hillairet en 1956, et il est possible que les nouvelles découvertes explique des décalages entre les dates données ici et les dates donnée dans des sources plus récentes. Lorsque le balcon, la façade ou l'édifice est classé ou inscrit aux Monuments Historiques, nous indiquons sa notice sur la base de donnée Mérimée (lien du type PA00000000 dans la suite).

Nous n'avons pas essayé de dater par nous même ces balcons en référence à leur ornementation. Dans quelques cas nous avertirons le lecteur lorsque la date de construction de l'édifice est manifestement bien antérieure au balcon. L'utilisation des connaissance des styles des gardes-corps permettrait peut-être de préciser un peu les datations, tout en étant sujet aux évidentes limites des réemplois, mise au goût du jour, restaurations et imitations.

1.3 Redécouvrir les balcons en encorbellement

Les exemples réunis ici sont l'occasion de se poser quelques questions sur leur évolution structurelle, tant du point de vue individuel (réparations et restaurations subis par chaque balcon) que du point de vue collectif (évolution de la taille des consoles, de leur saillie, de leur position par rapport aux trumeaux des étages, de l'épaisseur des dalles, de l'importance des clés d'arcs).

Nous pouvons mentionner ici quelques observations, qui si elles ne peuvent tenir lieu de vérité générale, permettent de mettre les exemples donnés ci-dessous en perspective. Ainsi l'épaisseur moyenne des balcons les plus anciens (XVIe et début XVIIe) semble inférieur à l'épaisseur des balcons les plus récents de nos exemples (début XIXe). Des barres métalliques sont fréquemment visibles sous les dalles des balcons, tels celles que l'on trouve dans la littérature du XVIIIe siècle concernant ces balcons (voir fig V. de Blondel et Patte 1777 ci-dessous). Ces barres ne sont donc pas nécessairement des renforts, mais peut-être dans certains cas des dispositifs constructifs d'origine. Les dalles ont parfois été remplacée entièrement, des fois en béton ou ciment armé (voir exemple du 32 rue Saint-Antoine ci-dessous). Les consoles, initialement positionnées au droit des trumeaux sur les exemples du XVIIe, peuvent être placée au niveau des clés des arcs (voir exemple du 82 rue François-Miron). Le développement des cartouches ornant les clés d'arc peut même faire penser à des consoles secondaires d'un point de vue stabilité (remarque à prendre avec beaucoup de précaution, car nous n'avons pas connaissance de l'appareillage).
Linteaux de fer pour soutenir la tablette du Balcon, gravure de Blondel et Patte 1777
"linteaux de fer pour soutenir la Tablette du Balcon"
d'après Blondel et Patte 1777 - scanné par la BNF

Dalle de balcon en béton ou ciment armé, 32 rue Saint-Antoine à Paris
32 rue Saint-Antoine - dalle en béton ou ciment armé