27 octobre 2013

MicMac - tutoriel de photogrammétrie sous Windows


Mise à jour septembre 2016 : une interface graphique est maintenant disponible pour MicMac (fournie avec le fichier d'installation de MicMac pour la version windows, voir le répertoire InterfaceCEREMA). Cette interface graphique facilitera l'accès à MicMac aux débutants.

Un nouveau tutoriel pour MicMac est proposé sur le site bestrema.fr. Ce tutoriel permettra aux utilisateurs non débutants de gérer les problèmes de divergence, d'utiliser des photos prises avec autofocus, et d'automatiser leur utilisation de MicMac sous windows.


1  Introduction

Après nous être intéressé dans un précédent article à VisualSFM, nous présentons aujourd'hui un autre logiciel de photogrammétrie, MicMac, permettant lui aussi de réaliser des nuages de points à partir de photos. Ce logiciel a été créé par Marc Pierrot Deseilligny de l'IGN, et sa licence permet une utilisation libre en échange d'une obligation de citation (voir les détails de la licence CeCILL-B sur le site de l'IGN). Il est plus difficile d'accès que VisualSFM, mais de récentes mises à jour ont grandement simplifié son utilisation sous windows, bien qu'il n'existe pas encore à notre connaissance d'interface graphique fonctionnant sous windows.
Ce tutoriel s'adresse aux personnes ayant un minimum de connaissances en photographie, mais pas de connaissance particulière en photogrammétrie. Il expose les éléments minimaux à connaître pour pouvoir utiliser MicMac.
MicMac est un logiciel qui peut être paramétré de façon très fine pour s'adapter à toutes les situations. C'est cette polyvalence qui fait sa force, mais qui le rend également d'accès complexe aux débutants. La présentation que nous faisons ci-dessous favorisera la simplicité et la rapidité de calcul (au détriment de la précision), de manière à permettre à des utilisateurs débutants d'obtenir des premiers résultats sans trop d'efforts.
Nous attirons tout de suite l'attention du lecteur sur la nécessité d'un certain nombre de prérequis pour l'utilisation de MicMac :
  • connaître les principes de base du fonctionnement d'un appareil photo (longueur focale, ouverture, mise au point, exposition etc.).
  • posséder un appareil photo dont on peut régler manuellement au moins la longueur focale, l'ouverture, et la mise au point - sinon il est toujours possible d'utiliser Micmac avec les exemples d'images fournis par l'IGN : voir le Boudha dataset sur la page de téléchargement de l'IGN.
  • savoir retoucher les images avec un logiciel de dessin (du type Gimp ou Photoshop).
  • connaître la base des expressions régulières pour la manipulation des chaînes de caractères
  • savoir manipuler les fichiers textes et renommer leurs extensions.
  • être patient - si vous n'avez aucune expérience en photogrammétrie il vous faudra probablement quelques heures avant d'obtenir vos premiers résultats probants.
Si ces prérequis vous découragent, ne baissez pas les bras, vous pouvez commencer à vous intéresser à la photogrammétrie à l'aide d'un autre logiciel plus facile d'accès (offrant peut-être moins de possibilités) et avec une interface graphique (voir notre tutoriel sur VisualSFM).
Rappelons le but principal de notre article, qui est d'offrir aux débutants une porte d'entrée à l'utilisation de MicMac sur windows à travers un exemple, et de permettre au lecteur d'acquérir quelques connaissances de base nécessaires pour aborder les documentations existantes sur MicMac. Ce tutoriel est donc avant tout un outil de vulgarisation pour les débutants en photogrammétrie ou avec MicMac.

2  Notions de bases

Les étapes principales pour la construction d'un nuage de points sont :
  • la détermination de la calibration intrinsèque de l'appareil photo dans le réglage qui a servi à faire les photos à la base du nuage de point (étalonnage)
  • l'orientation générale des photos
  • la corrélation entre une image maîtresse et ses images filles.
L'ensemble de ces concepts sont définis dans le protocole pour prises de vue d'éléments architecturaux (page 5 à 11) du laboratoire MAP/GAMSAU du CNRS. Nous conseillons vivement la lecture de ce protocole avant de poursuivre cet article, car il définit clairement les concepts de photogrammétrie essentiels pour l'utilisation de MicMac.
Nous allons voir que MicMac réalise successivement cet étalonnage, orientation et corrélation, et nous reparlerons donc de ces étapes dans la suite.

3  Prises de vues

La prise des photos doit répondre à des règles précises. Contrairement à VisualSFM qui offre une certaine souplesse dans le choix des photos, il ne sera pas possible d'obtenir de résultats probants avec MicMac si les règles de bases pour les prises de vues détaillées ci-dessous ne sont pas respectées.

3.1  Appareil photo

La précision des photos conditionne la précision du nuage de point, et la qualité de l'appareil photo a donc une incidence sur la qualité du nuage de point. Il est généralement recommandé dans les guides d'utiliser un appareil numérique reflex, mais il est en réalité également possible d'utiliser un appareil compact, du moment que ce dernier permette de fixer les paramètres ci-dessous, et que les photos soient nettes et bien exposées.
Il est obligatoire d'avoir le contrôle sur les paramètres suivants lors de la réalisation des prises de vues :
  • longueur focale
  • ouverture du diaphragme
  • mise au point
  • balance des blancs
  • désactivation de la stabilisation

22 septembre 2013

Les ancres métalliques anciennes

1  Introduction

Les ancres métalliques équipent l'extrémité des tirants, afin de permettre la transmission des efforts de traction de ces éléments dans la maçonnerie. Elles font partie des fers de bâtiments, ou encore des ouvrages de serrurerie présentés dans les traités de la construction. Ces tirants équipés d'ancres peuvent être au sens large un tirant métallique extérieur, un tirant métallique intérieur (ou chaînage - Fig. 1), un élément de plancher (poutre ou solive, en bois ou en métal - Fig. 2), un élément de charpente (entrait, panne, panne faitière), un poitrail en métal ou en bois (Fig. 3), une plate-bande clavée (Fig. 4) etc.
Les ancres sont positionnées à l'intérieur du mur (ancre intérieure - Fig. 1 au centre), ou au niveau du parement (ancre extérieure - Fig. 1 à gauche et à droite). Les ancres extérieures ne sont pas nécessairement visibles, car elles peuvent être engravées dans le parement de manière à disparaître sous un enduit2 (Fig. 1 à gauche, Fig. 2). Nous donnerons dans la suite des informations concernant principalement les ancres extérieures apparentes. Cela ne signifie pas qu'elles sont les plus nombreuses, mais simplement que les informations sur les ancres intérieures et sur les ancres extérieures non apparentes sont plus difficiles à obtenir.
Nous présentons dans la suite une typologie des ancres extérieures apparentes, principalement à partir d'informations des traités de construction français du XVIIIe et XIXe siècle, mais aussi à partir d'exemples d'ancres italiennes (provenant de Ombrie et Basilicata en Italie principalement). Nous donnerons ensuite quelques éléments sur l'historique et l'évolution des ancres.
Ancres intérieures et extérieures de chaînages métalliques
Fig 1: Ancres intérieures et extérieures de chaînages
d'après Denfer 1894 [10] - scanné par la BNF
Poutre équipée d'un tirant et d'une ancre
Fig 2: Tirant et ancre à l'extrémité d'une poutre
d'après Blondel et Patte (1777 [3, Pl. LXXIII]) - scanné par Google
Poitrail en fer ancien avec ancres métalliques
Fig 3: Poitrail en fer, avec ancres aux extrémités du poitrail
d'après Janniard (1845 [15, Pl. 25])
Platebande en pierre avec armatures métalliques
Fig 4: Platebande armée
d'après Patte (1769 [16, Pl. XVI]) - scanné par la BNF

15 septembre 2013

Histoire de la construction - recherche des textes anciens numérisés

Textes anciens disponibles sur internet

Les textes anciens sont des sources d'informations précieuses dans le domaine de l'histoire de la construction. Bien que la numérisation des ouvrages ait mis à la portée de tous ces textes, ils sont cependant dispersés sur divers sites internet, ce qui peut rendre leur consultation difficile. Nous proposons ci-dessous un outil créant automatiquement une liste de liens pour effectuer une même recherche à partir d'un mot clé sur de nombreuses sources disponibles en ligne.
L'usage de cet outil est simple. Par exemple, entrez cheville bois dans le formulaire, cliquez sur le bouton pour générer les liens, et une liste de liens vers les pages de résultats de recherche correspondant au mot cheville bois apparaitra ci-dessous. Pour chercher une expression exacte, utilisez des guillemets, par exemple "poutres armées".

1 août 2013

Les fentes de retrait des charpentes anciennes

1  Fentes, gerces et fissures ?

Les fentes de retrait sont les fentes provoquées dans le bois par son séchage (ou dessiccation) après sa coupe1. Elles sont généralement présentées dans les traités de charpenterie en même temps que les autres défauts du bois, avec les nœuds, le fil tort, les roulures, etc. Cependant la présence de fentes de retrait ne signifie pas nécessairement que le bois soit inadapté pour la construction, comme nous allons le voir dans cet article.
Les fentes de retrait sont désignées de diverses manières dans la littérature. Elles sont appelées fentes, fissures, fissures longitudinales, gerces, ou encore gerces de séchage. Nous retiendrons dans la suite le terme fente de retrait qui nous parait le plus adapté, et reviendrons à la fin de cet article sur les termes utilisés dans quelques traités de construction de l'antiquité au XIXe siècle.
Défauts du bois : roulure, gerce, gélivure et cadranure
Fig 1: Défauts du bois
d'après Barré 1896 [3]
Les sources récentes auxquelles nous ferons référence dans cet article sont pour la plupart en anglais ou en italien. Les fentes de retrait sont nommées checks ou shakes2 en anglais et fenditure longitudinali ou fenditure da ritiro en italien.
Les fentes de retrait ont les caractéristiques suivantes :
  • elles apparaissent lors du séchage du bois
  • elles suivent le sens du fil du bois, et ne traversent pas les fibres
  • elles sont plus ouvertes à proximité des faces de la pièce qu'à l'intérieur, c'est-à-dire qu'elles forment un V avec la pointe dirigée vers l'intérieur
  • elles sont dirigées suivant un plan radial, c'est-à-dire que le V qu'elles forment est dirigé vers le cœur du bois
  • les fentes principales sont généralement isolées, car elles annulent la cause qui les a créé, et sont éventuellement accompagnées de fentes secondaires plus petites (Marzo [21, p.32], Yang et Normand 2012  [31, p.2])
  • leur ouverture varie suivant les conditions d'hydrométrie : elles s'ouvrent par temps sec, et tendent à se refermer par temps humide (Marzo [21, p.32])
Fentes de retrait sur la croupe de la charpente de l'opéra du Château de Versailles
Fig 2: Fentes visibles dans la charpente de l'opéra du Château de Versailles
Jambettes, arbalétriers et aisseliers de la croupe, vue en contre-plongée

2  Apparition et facteurs d'influences

2.1  Développement des gerces

Taux d'humidité   Comme son nom l'indique, le taux d'humidité est une mesure de la quantité d'eau contenue dans le bois. Il est également appelé teneur en eau ou taux hygroscopique. Il diminue entre le moment de l'abattage de l'arbre et l'état final du bois mis en œuvre :
  • lorsque le bois est fraîchement coupé, le taux d'humidité est encore égal à celui de l'arbre sur pied. Il est compris entre 30% et 200% suivant les essences, le plus souvent autour de 90 à 100% (Wood Handbook 2010[ 4-1][19])
  • une fois coupé, le bois perd son eau libre, c'est-à-dire l'eau comprise dans les pores du bois. Le taux d'humidité descend jusqu'à atteindre 25 à 30%, que l'on appelle le point de saturation des fibres. Il n'y a pas de retrait dans cette phase. Le bois est dit ressuyé.
  • le séchage se poursuit lorsque le bois perd une partie de son eau liée, c'est-à-dire l'eau retenue par interactions moléculaires. Le taux d'humidité descend pour atteindre un taux d'humidité d'équilibre avec l'extérieur, entre 8% et 20%. Dans cette phase de séchage, sous le point de saturation des fibres, se produit le retrait qui va provoquer l'apparition des fentes.
Mécanisme d'apparition des fentes   L'apparition des fentes de retrait est liée à deux propriétés du bois. La première propriété la très faible résistance du bois à la traction perpendiculairement à ses fibres. La seconde propriété est la variation de volume du bois avec son taux d'humidité
Le mécanisme d'apparition des fentes de retrait est le suivant. Considérons une grume de bois, composée pour simplifier de cernes extérieures et du cœur. Le retrait des cernes extérieures est plus important que celui du bois intérieur lors du séchage, pour deux raisons distinctes que nous verrons dans quelques instants. Le bois intérieur qui se contracte moins que les cernes extérieures empêche se faisant la déformation des cernes extérieures de se produire. Des contraintes de traction tangentielles apparaissent dans les cernes extérieures (en même temps que des contraintes de compression radiales à l'intérieur du bois). Ces contraintes de traction peuvent augmenter jusqu'à la limite de rupture, moment auquel apparaissent les fentes. Les fentes continuent à s'ouvrir une fois qu'elles ont apparu, si le taux d'humidité descend.
La différence de retrait entre les cernes extérieures et le cœur peuvent être dues :
  • à l'anisotropie du bois, c'est-à-dire au fait que les propriétés du bois dépendent de la direction considérée. Pour tous les bois la variation dimensionnelle radiale est plus faible que la variation dimensionnelle tangentielle. La différence entre ces deux composantes conduit à une déformation plus importante pour les cernes extérieures que pour le cœur (même si le taux d'humidité est uniforme dans tout le bois - voir la démonstration mathématique dans Natterer et al. 2009 [22]).
  • aux conditions de séchage. Si le bois sèche trop rapidement, les cernes extérieures peuvent atteindre un taux d'humidité bien inférieur à celui régnant encore à l'intérieur du bois, ce qui conduit à un retrait plus important pour les cernes extérieures que pour cœur (Wood Handbook 2010[19, p.13.7])
Par ailleurs, une fois connu le mécanisme de fendage lié à la non uniformité du retrait dans une section transversale d'une grume, un autre type de fendage dont nous n'avons pas parlé jusqu'ici est facilement décrit. Il s'agit des fentes d'extrémités (end check en anglais) qui apparaissent au niveau de l'extrémité d'une grume. En effet les transferts d'humidité se font plus rapidement dans le sens du fil du bois que transversalement (Yang et Normand 2012  [31, p. 3]). Cela conduit à l'apparition de contraintes différentielles de séchage entre le bois situé à l'extrémité de la grume et le bois situé vers l'intérieur de la grume. Si ces contraintes sont trop importantes, des fentes de retrait apparaissent à l'extrémité de la grume (Fig. 3).
Fentes de retrait très importante à l'extrémité d'une grume
Fig 3: Cas extrème de fente de retrait à l'extrémité d'une grume
d'après Record 1914 [25] / Project Gutenberg License

19 juillet 2013

Balcons - Corse du Sud


1 Introduction

Les balcons de Corse du Sud photographiés entre Sartène et Levie et que nous présentons ci-dessous illustrent l'évolution typologique de ces structures en porte-à-faux avec l'avènement de nouveaux matériaux. En effet, initialement construit avec la pierre de la région, le granit, les balcons changent de physionomie et de fonctionnement structurel avec l'utilisation du fer forgé dans un premier temps, puis avec l'apparition des profilés métalliques à double T en fer puddlé (ancêtres des IPE actuels) et ensuite en acier.
Nous présenterons dans un premier temps les balcons avec consoles en granit, puis les balcons avec aisseliers métalliques, et enfin les balcons avec profilés à double T.

2 Balcons avec consoles en granit

Remarques générales

Entre Sartène et Lévie, les balcons les plus anciens sont probablement les balcons en granit. Ces balcons sont composés de consoles de granit élancées, et de dalles de pierre. Les consoles semblent ici avoir un rôle porteur, avec les dalles de pierre portant entre les consoles. En effet, bien que la plus grande prudence soit de mise pour ce type d'observation, nous n'avons pas observé de vestiges d'empochement éventuel des dalles de pierre dans le parement des façades dont les dalles ont disparues, mais dont les consoles ont été conservées.
De nombreuses consoles sont encore visibles, bien que les dalles formant le sol du balcon ait quant-à elles disparues.
Le mode constructif le plus fréquemment observé aujourd'hui est une succession de consoles à ressauts, chaque console étant composées de deux éléments élancés en granit, superposées l'un sur l'autre. Nous appellerons dans la suite "console" chaque élément de pierre constituant la "console à ressaut".  Dans les très rares cas où la queue des consoles était visible, le rapport longueur sur hauteur valait environ 9, ce qui illustre bien le caractère très élancé de ces consoles de pierres, par rapport aux consoles que l'on peut observer à Palerme.

Exemples

Balcon dont les dalles formant le sol ont disparues. Restent ici seulement les consoles à ressaut, composées de deux consoles superposées. Exceptionnellement, la longueur de queue est visible ici, sur la console située au droit du mur pignon. L'appareillage de la façade montre que cette dernière a été profondément remaniée, ce qui pourrait expliquer la position inhabituelle de la console dont la queue est visible.
Consoles à ressauts - San-Gavino-di-Carbini

La maison forte des Durazzo, à Fozzano, présente des vestiges de consoles qui correspondent probablement à une échauguette disparue. Cette maison forte, ou tour, possède également un balcon métallique dont nous parlerons plus loin.
Les consoles en pierre étaient des consoles à ressaut, visibles en haut à droite sur la photo de gauche ci-dessous. On note de gauche à droite :
  • une console à ressaut dont les deux consoles en granit ont été conservées ;
  • une console à ressaut dont la rupture de la console inférieure a probablement entraîné la rupture de la console supérieure en raison de l'augmentation du porte-à-faux de cette dernière ;
  • une console à ressaut dont la console supérieure est rompue, malgré la conservation de la console inférieure.
Maison forte des Durazzo à Fozzano

Les consoles de ce balcon sont monolithes, et le galbe qui affine leur profil à leur extrémité rappelle les consoles à ressaut formées de deux consoles vues jusqu'à présent. On distingue en sous-face des dalles une ligne séparative parallèle à la façade, indiquant que les dalles situées vers l'extérieur portent nécessairement sur les consoles.

Sainte-Lucie-de-Tallano

23 juin 2013

Les tirants métalliques anciens

1  Tirants extérieurs et tirants intérieurs

Il existe dans les monuments anciens deux types de tirants en fer forgé principalement1 : les tirants extérieurs aux maçonneries, dont nous allons parler dans la suite, et les tirants intérieurs aux maçonneries, appelés généralement chaînages pour les distinguer des tirants extérieurs.
Nous avons choisi de parler ici principalement des tirants métalliques extérieurs aux maçonneries. Ces tirants, en étant visibles, sont plus souvent l'objet de choix de restauration. Faut-il les supprimer, ou les conserver ? Cette question revient fréquemment. Pour des raisons esthétiques ou historiques les architectes chargés de la restauration des monuments anciens peuvent choisir l'une ou l'autre solution. Ces opérations ont des implications sur la stabilité du bâtiment, et les effets des tirants doivent être estimés. A contrario les tirants intérieurs aux maçonneries sont souvent laissés en place, car le plus souvent leur présence n'est même pas connue.
Pour distinguer ces deux types de tirants dans la suite, nous appellerons les tirants intérieurs aux maçonneries chaînages, et les tirants extérieurs simplement tirants.
Les tirants peuvent être des éléments prévus dès la construction d'un bâtiment, ou bien rapportées ultérieurement pour le stabiliser. Ils sont utilisés dans les monuments anciens pour :
  • reprendre les poussées des couvrements, que ces derniers soient en pierre (voûtes) ou en bois (voûtes lambrissées ou en plâtre, charpentes)
  • stabiliser les murs qui déversent
  • maintenir les parements extérieurs des murs à double parements avec fourrure2 des tours, car ces parements extérieurs tendent à se séparer de la fourrure (Heyman 1992 [8])
  • reprendre les efforts de vent sur les cheminées (D'Aviler 1755 [3,Art. Ancre]). Les tirants ont alors une fonction de tirant-buton, généralement rendue possible par leur faible longueur.
Nous commencerons par étudier la terminologie et la représentation des tirants dans les traités d'architecture. Nous décrirons ensuite la typologie des tirants et de leurs pièces constitutives (corps du tirant, assemblages, ancres etc.). Nous terminerons par quelques remarques sur les formules de dimensionnement des tirants.

2  Terminologie et représentation

2.1  Tirant, chaîne et chaînage

Le mot tirant réserve quelques surprises. En effet, dans la littérature du XVIIe au début du XIXe siècle, le mot n'a pas toujours le sens que les ingénieurs lui donnent aujourd'hui. Il peut désigner :
  • une courte pièce métallique permettant de lier une poutre ou solive avec la maçonnerie (Félibien 1676 [7], Diderot et d'Alembert 1765 [5], Duhamel du Monceau 1767[6])
  • une pièce de charpente bois : entrait ou poinçon (Félibien 1676 [7], D'Aviler 1755 [3])
  • un tirant intérieur à la maçonnerie (D'Aviler 1691 [2])
  • un tirant extérieur à la maçonnerie (D'Aviler 1755 [3])
Par ailleurs, les termes chaîne et chaînage ont également été employés pour désigner ce qu'un ingénieur pourrait appeler aujourd'hui un tirant, avec des significations qui varient suivant les époques et les auteurs. Nous livrons ci-dessous les résultats d'une recherche rapide dans quelques traités du XVIIe au XIXe siècle.
Le Grand Siècle   Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, Félibien définit dans son dictionnaire un tirant comme "une poutre ou pièce de bois qui traverse d'une muraille à une autre, & sur laquelle sont posées les Forces, qu'elles empeschent de s'écarter" (Félibien 1676 [7, p.753]). Les forces désignent ici probablement les jambes de force ([7, p.598]), et le terme tirant renvoit donc dans le dictionnaire de Félibien seulement à une pièce de charpente : l'entrait. Félibien utilise d'ailleurs le terme tirant conjointement au terme entrait pour désigner l'entrait supérieur du brisis d'une charpente à la Mansart sur une des planches d'illustration de son traité ([7, p.130-131 Planche XVI]). Cependant, une autre utilisation du terme tiran est présente dans la description des planches de Félibien. Il utilise le terme tiran pour désigner une pièce métallique qu'il représente (Fig. 2) mais qu'il ne définit pas précisément. Il évoque seulement "les grosses pièces de fer qui s'emploient soit à faire des Ancres, & Tirans ; des Crampons & des Harpons, pour entretenir les murailles ; soit à lier ou attacher des Poutres ou des Tirans de bois, comme font les Boulons & Estriers [...]" ([7, p.206]). La pièce dessinée, est assez courte si on prend pour référence son épaisseur représentée, et pourrait correspondre à une pièce d'assemblage permettant de lier un about de poutre avec la maçonnerie. Il n'est pas donné d'indication sur la mise en œuvre de ce tiran par Félibien. Par ailleurs, Félibien ne définit que les chaisnes de pierre de taille qui sert à fortifier les murailles (p516), et des Chaisnette, petite chaisne faite de plusieurs anneaux de fer, ou autre metail. (p517). Nous n'avons pas trouvé d'entrée correspondant à des chaînes métalliques ou chaînages métalliques dans son dictionnaire.
Fig 2: Ancre (A) et Tiran (B)
d'après Félibien 1676 [7] Planche XXXIII - scanné par la BNF
D'Aviler donne dans son Cours d'architecture des indications sur les dimensions que doit avoir un tirant, dans le chapitre consacré à l'usage du fer dans les bastimens (1691  [2]). Ces tirants en fer semblent principalement correspondre à des tirants intérieurs aux maçonneries3. D'Aviler n'utilise pas dans ce chapitre le terme de chaîne.
Le XVIIIee siècle   Au milieu du XVIIIee siècle, dans une édition posthume du Dictionnaire d'Architecture de D'Aviler (1755[3]), le terme tirant sert à désigner une longue pièce [...] arrêtée par ses extrêmités par des ancres. Cette longue pièce est en bois4, et peut correspondre à un entrait, mais la description dans cet ouvrage pourrait également correspondre à une autre poutre située plus bas que la charpente, sous le maître entrait. Cependant, il existe également dans le Dictionnaire d'Architecture une sous-entrée pour le tirant de fer, qui corresponde à un tirant extérieur aux maçonneries (ce détail n'étant pas précisé explicitement). La définition d'une chaîne de fer correspond quant-à elle à un chaînage intérieur aux maçonneries dont nous avons parlé en introduction.
CHAîNE DE FER. C'est un assemblage de plusieurs barres de fer liées bout à bout par clavettes ou crochets, qu'on met dans l'épaisseur des murs des bâtimens neufs pour les entretenir, ou à l'entour des vieux, ou de ceux qui menacent ruine, pour le retenir, comme il a été pratiqué à l'entour de Saint-Pierre de Rome. On nomme encore cet assemblage, Armature.
[...]
TIRANT DE FER. Grosse & longue barre de fer, avec un œil ou trou à l'extrêmité, dans lequel passe une ancre, qui sert pour empêcher l'écartement d'une voûte, & pour retenir un mur, un pan de bois, ou une souche de cheminée.
D'Aviler 1755[3]
Le terme tiran dans l'article sur la serrurerie5 de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert désigne la pièce métallique qui permet de transmettre les efforts de traction entre une poutre en bois et une ancre (Fig. 3). Cette courte pièce métallique ne correspond donc à aucune des deux définitions données dans l'édition du Dictionnaire d'Architecture de D'Aviler que nous avons rapporté ci-dessus. Les chaînes définies dans cet article de l'Encyclopédie se rapprochent plus de la conception actuelle du mot tirant, mais l'article semble faire référence principalement aux chaînes intérieures aux maçonneries6.
Le tiran (fig. 14.) est une barre de fer plat, d'environ cinq à six piés de long, repliée sur elle-même en A, & soudée, formant un œil quarré par le bout A, dans lequel on fait entrer l'ancre C jusqu'au milieu ; à l'autre bout est un talon pour être entaillé dans l'épaisseur des poutres qui traversent les murs de face, & être attaché aux extrémités avec des clous de charrette.
Les chaînes (fig. 15 Pl. II & 16 Pl. III) font le même effet que les tirans, à l'exception que les barres, quelquefois quarrées & quelquefois méplates, sont prises dans l'épaisseur des bâtimens, & ont une mouffle simple ou double par chaque bout.
Diderot et d'Alembert 1765 [5]
Fig 3: Ancre et Tiran
d'après Diderot et d'Alembert 1765 [5]

Fig 4: Chaînes
d'après Diderot et d'Alembert 1765 [5]
A la même époque, Duhamel du Monceau présente le même type de tirant court que les Encyclopédistes, servant d'assemblage entre la maçonnerie et un tirant en bois : "[...] si l'on met à l'autre extrémité de la même poutre un pareil bout de tirant ou un harpon avec son ancre, les deux murs opposés seront assez bien liés l'un à l'autre [...]". Puis il ajoute : "mais la liaison est encore plus parfaite quand la barre ou le corps du tirant traverse tout le bâtiment. Souvent, pour que rien ne paroisse, on noie cette barre dans un mur de refend, & l'ancre dans celui de face." ([6, p.44]). La pièce d'assemblage devient ici le tirant métallique long que nous connaissons, et il est ici masqué à l'intérieur du plancher. Duhamel de Monceau donne cependant à ce tirant le nom de chaîne, et distingue les chaînes simples des chaînes à moufles suivant leurs assemblages ([6, p.45]). Nous reviendrons sur cette distinction dans la partie consacrée aux assemblages.
La révolution industrielle   Au milieu du XIXe siècle, avec l'avènement des charpentes métalliques, le terme tirant est utilisé par les ingénieurs pour désigner les longues pièces tendues entre les pieds d'arbalétriers de ces nouvelles charpente. On trouve encore cependant l'utilisation du mot chaîne chez certains auteurs (par exemple dans Sganzin 1839 [16] qui parle de chaîne de tirage avec assemblage à Trait du Jupiter).
Notons enfin la définition que donne Viollet-le-duc pour les chaînages en 1859 : "Ce mot s'applique aux longrines de bois, aux successions de crampons de fer posés comme les chaînons d'une chaîne, ou même aux barres de fer noyés dans l'épaisseur des murs, horizontalement, et destinés à empêcher les écartements, la dislocation des constructions en maçonnerie." (Viollet-le-Duc 1859 [19]). Il appelle ensuite tirants les probables tirants métalliques qui s'assemblaient aux crampons encore en place à Vézelay à la naissance des arcs doubleaux.
Tirants extérieurs faiblement représentés   Dans les traités français du XVIIe et du XVIIIe, lorsqu'ils font référence à des pièces métalliques les termes tirant et chaîne correspondent principalement à des courtes pièces d'assemblages, ou bien à des chaînages intérieurs aux maçonneries. Seule exception notable parmi les traités mentionnés ici, l'édition posthume du Dictionnaire d'Architecture de D'Aviler (1755 [3]) qui décrit des tirants extérieurs aux maçonneries, sans toutefois être très explicite sur le caractère extérieur des tirants.
Les informations que nous avons pu recueillir sur les tirants antérieurs au XIXe siècle, concernent donc principalement les chaînages. Nous utiliserons tout de même ces informations, en faisant l'hypothèse raisonnable que les caractéristiques techniques des tirants et des chaînages devaient être proches, et à défaut d'informations plus précises.
Concluons cette partie en reconnaissant que le corpus réunit pour cette étude du vocabulaire reste très limité, et qu'il faudrait certainement encore creuser la question. Dans la suite de cet article, nous continuerons à utiliser le terme générique de tirant, même s'il est évident qu'il ne correspond pas nécessairement au terme employé à l'époque de la mise en œuvre des tirants.

2.2  Représentation

Nous utilisons dans cet article les traités sur les techniques de construction comme principale source d'information. Cette démarche est sujette à caution, car ces traités sont une représentation déformée de la réalité. Cette déformation, ou occultation de certains aspects techniques est claire concernant les tirants, puisque bien qu'il existe des exemples de tirants dès le Moyen-âge, ces tirants ne sont pas abordés par ces traités.
Par ailleurs, le détail du relevé des éléments métalliques est souvent laissé de côté sur les relevés du XIXe siècle. Timbert donne ainsi différents exemples à la cathédrale de Soissons et à la cathédrale de Beauvais, où les tirants existants n'ont pas été dessinés sur les représentations du dictionnaire raisonné de Viollet-le-Duc (Timbert 2007 [18])

21 mars 2013

Opéra Garnier - structure de la salle de concert

1  Le nouvel Opéra de Paris

Le nouvel Opéra de Paris, qui est connu aujourd'hui sous le nom de Palais Garnier, a été construit sous la direction de Charles Garnier entre 1861 et 1875, avec une interruption entre 1870 et 1873. Une grande salle entourée d'une galerie circulaire, le vestibule circulaire, est située exactement sous le parterre de la grande salle de concert de l'opéra. La voûte de cette salle semble reposer sur seize colonnes, qui séparent l'espace central du vestibule de la galerie. Malgré les apparences, cette voûte n'est pas porteuse. En stuc, elle masque un grand plancher métallique circulaire.
La structure porteuse du plancher bas de la grande salle de concert est donc complètement cachée aux yeux du visiteur. Au musée d'Orsay, la grande maquette du Palais Garnier qui coupe ce plancher en son centre, ne laisse rien deviner non plus de la structure du plancher, qui n'est pas représentée (Fig. 1). D'autres éléments porteurs métalliques essentiels pour la stabilité de la grande salle de l'opéra ne sont pas représentés.
Les structures porteuses principales de la grande salle de concert sont des colonnes en fonte et des poutres métalliques (probablement en fer puddlé). Complètement masqués par les décors, l'Opéra a aujourd'hui les apparences d'une structure maçonnée, alors que du sol du parterre au niveau de la coupole intérieure, les éléments porteurs principaux sont métalliques.
Nous ne disposons pas d'informations privilégiées sur l'opéra Garnier. On trouve aujourd'hui en libre accès sur internet l'ensemble des informations qui permettent de redécouvrir cette structure cachée. Les liens sont donnés dans la bibliographie et avec les photos d'archives.
Nous allons donc retrouver la trace de la structure de la salle de concert de l'opéra par le biais de ces sources historiques. Nous parlerons dans la suite :
  • des colonnes de la salle de concert, qui bien qu'étant les seuls éléments porteurs soulignés par les décors... ne portent en réalité qu'une très faible partie des charges. Ces colonnes sont visibles sur les figures 1 et 2, et indiquées par des points jaunes sur le plan 4.
  • du plancher bas de la salle de concert (représenté schématiquement sur la figure Fig. 1)
  • des colonnes creuses en fonte des loges, située dans le murs séparant les loges du couloir extérieur. Elles sont localisées sur le demi-cercle extérieur bleu de la (Fig. 3)
  • du plancher à bascule des loges
Fig 1: Maquette de l'opéra Garnier, Richard Peduzzi, musée d'Orsay
d'après photo de Benh Lieu Song / Wikimedia Commons / GFDL
Fig 2: Vue de la salle de concert depuis la scène
d'après Nuitter 1875 [5]
Fig 3: Plan au niveau du vestibule circulaire
d'après Nuitter 1875 [5]
Fig 4: Plan au niveau des premières loges
d'après Nuitter 1875 [5]
Les photos que nous utiliserons dans la suite pour la description des structures sont présentées ci-dessous, par ordre chronologique. Ce sont des épreuves sur papier albuminé datant de la construction, attribuées à Louis-Emile Durandelle. Outre ces photos, on doit entre autres à Durandelle les fameuses photographies des différentes phases de construction de la tour Eiffel.
Fig 5: Vue du vestibule circulaire et du plancher du parterre - 25/03/1864
Fonds Delmaet et Durandelle - Bibliothèque numérique INHA - 2

3 mars 2013

Résistance du plâtre

1  Introduction

Le plâtre cuit est un liant permettant d'obtenir mortier ou enduit, à partir du seul mélange du plâtre cuit et de l'eau. Ses propriétés spécifiques en font un matériau à part dans le monde de la construction jusqu'au XXe siècle. Lucotte le qualifie ainsi : "La promptitude de son action le rend si essentiel et si nécessaire, qu'on ne peut trouver de matière plus utile, et qu'on ne peut, pour ainsi dire, s'en passer ni le remplacer dans la construction" (1783 [27]).
Le plâtre était utilisé autrefois pour de multiples usages : pour hourder les planchers et les murs, c'est-à-dire remplir les intervalles entre poteaux ou entre solives, pour couler la pierre de taille1, pour enduire les murs et les cloisons, pour fabriquer les corniches et moulures intérieures, pour enduire les lattis des voûtes à ossature bois, pour isoler les fers des conduits de cheminée, pour produire des objets en staff, etc.
Son usage se transforme au XXe siècle avec l'apparition des plaques de plâtre, utilisées pour réaliser cloisons non porteuses et plafonds suspendus. Il connaît une évolution marquée, avec l'apparition de différents additifs qui modifient ses propriétés, et augmentent sa résistance à l'humidité ou au feu. Nous laissons de côté ce matériau nouveau, et nous intéressons dans la suite au plâtre tel qu'il a été mis en œuvre dans les monuments anciens jusqu'au XIXe siècle. Nous présentons dans un premier temps un rapide historique de son usage, principalement en France, puis nous nous intéressons à son mode de fabrication, et sa mise en œuvre. Nous aborderons ensuite le cœur du sujet qui nous intéresse ici, la résistance du plâtre ancien et ses propriétés mécaniques.

2  Historique

Antiquité   Le plâtre est connu depuis la haute antiquité. Selon Adam, le plâtre semble avoir été utilisé comme mortier pour la première fois dans l'Egypte du IIIe millénaire (1989 [1]). Choisy mentionne son usage en Perse dans son Histoire de l'architecture (1899 [11]). Rondelet indique que Vitruve critique son usage2, et que les anciens l'utilisait uniquement pour les enduits (1803 [33]). Cependant pour ces derniers les mortiers de chaux additionnés de poudre de marbre lui étaient préférés.
Apparition en France   En France, il existe des preuves d'utilisation du plâtre pour monter les cloisons dès le IIIe siècle à Paris et dans les environs de Meaux (Benouis 1995 [4]). Pour la décoration, les stucs de chaux de tradition romaine sont progressivement remplacés par les stucs de plâtre autour du VIIIe siècle. La chaux est ensuite complètement supplanté par le plâtre pour les stucs lors de la période romane (Palazzo-Bertholon 2007 [31]).
Plus tard, au Moyen-Age, le plâtre servait, seul ou en complément du plomb, à sceller les pièces métalliques dans la maçonnerie. L'Héritier en donne plusieurs exemples dans des églises à Rouen (2007 [25]). Utilisé sous forme de coulis, il permettait également de couler les joints qu'il était difficile de ficher :
Il arrivait cependant parfois qu'il n'était pas possible de poser des claveaux, par exemple, à bain de mortier, lorsque les cintres avaient une très-grande portée et que les arcs étaient très-épais ; alors on coulait, dans les joints, du bon plâtre. C'est ainsi qu'avaient été bandés primitivement les claveaux des arcs de la rose occidentale de la cathédrale de Paris ; et il faut dire que le plâtre employé était excellent, car les lames de coulis s'enlevaient comme de minces tablettes d'un centimètre d'épaisseur, sans se briser.
Viollet-le-Duc 1864 [36]
Le gypse nécessaire à la fabrication du plâtre n'était pas disponible partout en France. La région la plus connue pour ses carrières de gypses est Paris. Palazzo-Bertholon cite également les régions de Cognac, Saint-Jean-de-Maurienne, et Arles-sur-Tech où l'exploitation du gypse est ancienne (2007 [31]). On trouve également des carrières en Franche-Comté et dans les Alpes de Haute-Provence., mais nous ne savons pas à partir de quelle époque ces carrières sont exploitées. Dans les régions où le gypse n'est pas disponible, on remplace le plâtre pour les enduits par du blanc de bourre, un mélange de lait de chaux, de sable blanc, de poil de bœuf (bourre) (Lucotte 1783 [27]).

20 février 2013

Poids des statues en pierre

1  Introduction

Lorsqu'il n'est pas possible de les peser, le poids des statues en pierre peut être calculé suivant leur forme. Les statues de forme humaine sont les plus faciles à étudier. Nous décrivons ici une méthode utilisant les propriétés du corps humain en terme de poids volumique et de volume, pour en déduire le volume puis le poids d'une statue de forme humaine. Si cette méthode n'est pas très précise, elle a cependant le mérite d'être simple et rapide à appliquer. Nous proposerons un exemple de calcul avec le David de Michel-Ange.
Pour les statues de forme quelconque, il existe une autre méthode plus générale, mais plus longue à appliquer. Elle utilise la photogrammétrie pour déterminer le volume de la statue puis son poids. Nous évoquerons rapidement cette méthode dans un second temps.
Les méthodes présentées dans cet article sont limitées au cas des statues pleines, en un seul matériau.

2  Méthode de l'indice de masse corporelle

2.1  Principe

Lorsque la statue représente un homme ou une femme nue, la méthode la plus rapide pour estimer le poids de la statue est d'utiliser l'indice de masse corporelle, noté IMC dans la suite (Body Mass Index en anglais).
L'indice de masse corporelle est défini comme le rapport de la masse d'un individu (en kg) sur la taille (en m) au carré : $IMC=\frac{M}{h^2}$. Cet indice est un critère rapide (mais qui a évidemment des limites) pour juger du poids d'une personne par rapport à la moyenne statistique :
  • inférieur à 16,5 dénutrition ou famine
  • 16,5 à 18,5 maigreur
  • 18,5 à 25 corpulence normale
  • 25 à 30 surpoids
  • 30 à 35 obésité modérée
  • 35 à 40 obésité sévère
  • plus de 40 obésité morbide ou massive
En estimant l'indice de masse corporelle, on peut donc calculer le poids de l'équivalent humain de la statue, ce qui va permettre ensuite d'en déduire le poids de la statue elle-même.

2.2  Etapes du calcul

Cas général   Il suffit pour calculer le poids de la statue de mettre face à face les caractéristiques de la statue, et celle d'une personne équivalente :
  1. Masse volumique : $\rho $ pour la statue, et environ 1063kg/m3 pour la personne équivalente1.
  2. Hauteur en mètre : $h$ pour la statue, et $\overline{h}$ compris entre 1m60 et 2m00 pour la personne équivalente. La hauteur $h$ doit correspondre à la taille du personnage/statue, et il faut donc corriger cette dernière si la posture de la statue n'est pas bien droite (contrapposto, personnage courbé etc.).
  3. Indice de masse corporelle $IMC$ pour la personne équivalente.
On en déduit que le volume de base du corps de la statue vaut $V = IMC \times \overline{h}^{2} \times \left(\frac{h}{\overline{h}}\right)^{3} \times \frac{1}{1063}$. Il faut ajouter à ce volume celui correspondant aux éventuels accessoires et décors de manière à obtenir le volume total de la statue : $V_{tot}$. Le piédestal, dont la nature ne correspond pas nécessairement à celle de la statue (parfois vide, ou en un matériau différent), ne devrait pas être pris en compte dans le volume total, mais calculé séparément.
On en déduit finalement le poids de la statue $M=\rho\times V_{tot}$.

15 février 2013

Calcul du volume d'un maillage

1  Introduction

En préparation d'un futur article sur le poids des statues en pierre, nous revenons aujourd'hui sur l'utilisation de la photogrammétrie pour créer des maillages. En effet une fois le maillage d'une statue créé, il est possible d'obtenir rapidement son volume avec Meshlab. Nous allons montrer ci-dessous comment obtenir cette valeur, en partant de photos.
Nous profiterons de cet exemple pour donner quelques illustrations de l'effet des paramètres des filtres qui permettent l'obtention du maillage. Notre objectif n'est pas de détailler le fonctionnement des algorithmes en jeu, mais simplement de partager quelques observations simples sur un exemple, pour aider au choix de ces paramètres pour les personnes qui ne sont pas familières avec ces algorithmes.
La statue prise considérée ici est l'Ecoute de Henri de Miller (1986), située au Jardin des Halles à Paris. Cette statue serait en grès de Bourgogne, et pèserait entre 50 et 70 tonnes selon les sources (insecula.com, paris.fr).
Nous utilisons dans la suite VisualSFM pour la création du nuage de point et Meshlab pour la création du maillage et le calcul du volume (voir notre article d'introduction à la photogrammétrie avec ces logiciels).
Fig 1: L'Ecoute - Henri de Miller - 1986
photo du CMP - IS-3D

2 février 2013

Hourdis en auget avec entretoises coudées et fentons

1  Introduction

Nous avons vu l'apparition des solives métalliques à double T en France dans les années 1840 dans un article précédent. L'intervalle entre les solives métalliques, appelé entrevous, est souvent rempli par un hourdis en plâtre et plâtras sur un treillage métallique, constitué d'entretoises et fentons (ou côtes de vaches).
Fig 3: Treillage métallique d'un hourdis en auget - A. solive B. entretoise C. fentons
d'après Jolly et Joly (1863 [3])
scanné par la BNF
Les lambourdes de plancher sont généralement installées perpendiculairement aux solives, et reportent une grande partie des surcharges d'exploitation directement sur ces dernières. Il arrive cependant que les charges du plancher soient portées directement par les hourdis, qui doivent alors retransmettre ces charges aux solives métalliques. Il faut dans ce cas étudier à la fois la capacité portante des solives métalliques, et celle du hourdis.
Nous allons nous intéresser dans cet article spécifiquement aux hourdis en auget, comprenant des entretoises coudées et des fentons métalliques (Fig. 3), et réalisé en plâtre et plâtras. Si ce système n'est pas et de loin le seul système constructif pour ces hourdis en auget, il est néanmoins très répandu.
Nous allons voir dans cet article la façon dont sont présentés les hourdis dans la littérature de la fin du XIXe siècle. Nous verrons ensuite s'il est possible de déterminer le fonctionnement structurel de ces hourdis.

2  Historique

Les hourdis en auget avec entretoises coudées et fentons métalliques (Fig. 3 ci-dessus - appelé notamment système Roussel) est un des multiples systèmes d'hourdis mis au point dans les années 1850 pour permettre l'utilisation des nouvelles solives à double T (voir Chapron 1860 [1] pour une synthèse des systèmes existants à cette époque).
Si le dimensionnement des solives métalliques est présenté en détail dans les traités de construction des années 1850-1900 (voir par exemple Morin 1853 [4], Jolly et Joly 1863[3], Denfer 1894 [2]), le dimensionnement des entretoises et des boulons est plus rarement évoqué. Des fourchettes des dimensions utilisées habituellement sont indiquées, mais sans plus de précisions dans la plupart des cas. Par exemple Jolly et Joly indiquent (1863[3]) :
Avec le système actuel [à entretoises coudées et fentons], il est admis comme règle générale d'exécuter les chevêtres [entretoises] en fer carré de 16, 17 ou 18 millimètres suivant l'écartement des solives, et de varier l'espacement des carillons [fentons] de 11 millimètres, de 0m25 à 0m30.