21 mars 2013

Opéra Garnier - structure de la salle de concert

1  Le nouvel Opéra de Paris

Le nouvel Opéra de Paris, qui est connu aujourd'hui sous le nom de Palais Garnier, a été construit sous la direction de Charles Garnier entre 1861 et 1875, avec une interruption entre 1870 et 1873. Une grande salle entourée d'une galerie circulaire, le vestibule circulaire, est située exactement sous le parterre de la grande salle de concert de l'opéra. La voûte de cette salle semble reposer sur seize colonnes, qui séparent l'espace central du vestibule de la galerie. Malgré les apparences, cette voûte n'est pas porteuse. En stuc, elle masque un grand plancher métallique circulaire.
La structure porteuse du plancher bas de la grande salle de concert est donc complètement cachée aux yeux du visiteur. Au musée d'Orsay, la grande maquette du Palais Garnier qui coupe ce plancher en son centre, ne laisse rien deviner non plus de la structure du plancher, qui n'est pas représentée (Fig. 1). D'autres éléments porteurs métalliques essentiels pour la stabilité de la grande salle de l'opéra ne sont pas représentés.
Les structures porteuses principales de la grande salle de concert sont des colonnes en fonte et des poutres métalliques (probablement en fer puddlé). Complètement masqués par les décors, l'Opéra a aujourd'hui les apparences d'une structure maçonnée, alors que du sol du parterre au niveau de la coupole intérieure, les éléments porteurs principaux sont métalliques.
Nous ne disposons pas d'informations privilégiées sur l'opéra Garnier. On trouve aujourd'hui en libre accès sur internet l'ensemble des informations qui permettent de redécouvrir cette structure cachée. Les liens sont donnés dans la bibliographie et avec les photos d'archives.
Nous allons donc retrouver la trace de la structure de la salle de concert de l'opéra par le biais de ces sources historiques. Nous parlerons dans la suite :
  • des colonnes de la salle de concert, qui bien qu'étant les seuls éléments porteurs soulignés par les décors... ne portent en réalité qu'une très faible partie des charges. Ces colonnes sont visibles sur les figures 1 et 2, et indiquées par des points jaunes sur le plan 4.
  • du plancher bas de la salle de concert (représenté schématiquement sur la figure Fig. 1)
  • des colonnes creuses en fonte des loges, située dans le murs séparant les loges du couloir extérieur. Elles sont localisées sur le demi-cercle extérieur bleu de la (Fig. 3)
  • du plancher à bascule des loges
Fig 1: Maquette de l'opéra Garnier, Richard Peduzzi, musée d'Orsay
d'après photo de Benh Lieu Song / Wikimedia Commons / GFDL
Fig 2: Vue de la salle de concert depuis la scène
d'après Nuitter 1875 [5]
Fig 3: Plan au niveau du vestibule circulaire
d'après Nuitter 1875 [5]
Fig 4: Plan au niveau des premières loges
d'après Nuitter 1875 [5]
Les photos que nous utiliserons dans la suite pour la description des structures sont présentées ci-dessous, par ordre chronologique. Ce sont des épreuves sur papier albuminé datant de la construction, attribuées à Louis-Emile Durandelle. Outre ces photos, on doit entre autres à Durandelle les fameuses photographies des différentes phases de construction de la tour Eiffel.
Fig 5: Vue du vestibule circulaire et du plancher du parterre - 25/03/1864
Fonds Delmaet et Durandelle - Bibliothèque numérique INHA - 2

3 mars 2013

Résistance du plâtre

1  Introduction

Le plâtre cuit est un liant permettant d'obtenir mortier ou enduit, à partir du seul mélange du plâtre cuit et de l'eau. Ses propriétés spécifiques en font un matériau à part dans le monde de la construction jusqu'au XXe siècle. Lucotte le qualifie ainsi : "La promptitude de son action le rend si essentiel et si nécessaire, qu'on ne peut trouver de matière plus utile, et qu'on ne peut, pour ainsi dire, s'en passer ni le remplacer dans la construction" (1783 [27]).
Le plâtre était utilisé autrefois pour de multiples usages : pour hourder les planchers et les murs, c'est-à-dire remplir les intervalles entre poteaux ou entre solives, pour couler la pierre de taille1, pour enduire les murs et les cloisons, pour fabriquer les corniches et moulures intérieures, pour enduire les lattis des voûtes à ossature bois, pour isoler les fers des conduits de cheminée, pour produire des objets en staff, etc.
Son usage se transforme au XXe siècle avec l'apparition des plaques de plâtre, utilisées pour réaliser cloisons non porteuses et plafonds suspendus. Il connaît une évolution marquée, avec l'apparition de différents additifs qui modifient ses propriétés, et augmentent sa résistance à l'humidité ou au feu. Nous laissons de côté ce matériau nouveau, et nous intéressons dans la suite au plâtre tel qu'il a été mis en œuvre dans les monuments anciens jusqu'au XIXe siècle. Nous présentons dans un premier temps un rapide historique de son usage, principalement en France, puis nous nous intéressons à son mode de fabrication, et sa mise en œuvre. Nous aborderons ensuite le cœur du sujet qui nous intéresse ici, la résistance du plâtre ancien et ses propriétés mécaniques.

2  Historique

Antiquité   Le plâtre est connu depuis la haute antiquité. Selon Adam, le plâtre semble avoir été utilisé comme mortier pour la première fois dans l'Egypte du IIIe millénaire (1989 [1]). Choisy mentionne son usage en Perse dans son Histoire de l'architecture (1899 [11]). Rondelet indique que Vitruve critique son usage2, et que les anciens l'utilisait uniquement pour les enduits (1803 [33]). Cependant pour ces derniers les mortiers de chaux additionnés de poudre de marbre lui étaient préférés.
Apparition en France   En France, il existe des preuves d'utilisation du plâtre pour monter les cloisons dès le IIIe siècle à Paris et dans les environs de Meaux (Benouis 1995 [4]). Pour la décoration, les stucs de chaux de tradition romaine sont progressivement remplacés par les stucs de plâtre autour du VIIIe siècle. La chaux est ensuite complètement supplanté par le plâtre pour les stucs lors de la période romane (Palazzo-Bertholon 2007 [31]).
Plus tard, au Moyen-Age, le plâtre servait, seul ou en complément du plomb, à sceller les pièces métalliques dans la maçonnerie. L'Héritier en donne plusieurs exemples dans des églises à Rouen (2007 [25]). Utilisé sous forme de coulis, il permettait également de couler les joints qu'il était difficile de ficher :
Il arrivait cependant parfois qu'il n'était pas possible de poser des claveaux, par exemple, à bain de mortier, lorsque les cintres avaient une très-grande portée et que les arcs étaient très-épais ; alors on coulait, dans les joints, du bon plâtre. C'est ainsi qu'avaient été bandés primitivement les claveaux des arcs de la rose occidentale de la cathédrale de Paris ; et il faut dire que le plâtre employé était excellent, car les lames de coulis s'enlevaient comme de minces tablettes d'un centimètre d'épaisseur, sans se briser.
Viollet-le-Duc 1864 [36]
Le gypse nécessaire à la fabrication du plâtre n'était pas disponible partout en France. La région la plus connue pour ses carrières de gypses est Paris. Palazzo-Bertholon cite également les régions de Cognac, Saint-Jean-de-Maurienne, et Arles-sur-Tech où l'exploitation du gypse est ancienne (2007 [31]). On trouve également des carrières en Franche-Comté et dans les Alpes de Haute-Provence., mais nous ne savons pas à partir de quelle époque ces carrières sont exploitées. Dans les régions où le gypse n'est pas disponible, on remplace le plâtre pour les enduits par du blanc de bourre, un mélange de lait de chaux, de sable blanc, de poil de bœuf (bourre) (Lucotte 1783 [27]).