28 décembre 2012

Traités de la construction

Nous avons utilisé depuis le lancement de ce blog un certain nombre de traités de la construction parus au XIXe siècle, pour la plupart entre 1830 et 1900. Le début du XIXe siècle marque en effet le développement du calcul des structures dans la pratique des ingénieurs. Les dernières années du XIXe voient l'apparition du béton armé, dont nous parlons peu dans nos articles.
Cette période correspond à un ensemble d'ouvrages facilement accessibles sur internet car tombés dans le domaine public. Les sites suivants proposent le téléchargement de ces ouvrages, les deux premiers regroupant en fait la grande majorité des ouvrages numérisés actuellement :
On pourra noter que les sites américains et espagnols présentent une collection intéressante d'ouvrages en français.

27 décembre 2012

Poussées actives et passives des voûtes

1  Introduction

La poussée d'une voûte ou d'un arc en maçonnerie est indéterminée, si on étudie la structure à l'aide du calcul à la rupture. Seul l'intervalle dans lequel cette poussée doit nécessairement se trouver pour que l'arc soit stable peut être connu. La valeur maximale (respectivement minimale) que peut prendre la poussée est appelée poussée active (resp. passive), et elle correspond à la ligne de pression active (resp. passive).
Nous supposerons dans la suite que les bases du calcul à la rupture sont connus par le lecteur (voir notre article précédent à ce sujet). Nous rappelons simplement ici que :
  • Chaque état d'équilibre d'un arc est représenté par une ligne de pression.
  • Un état d'équilibre n'est pas nécessairement stable.
  • Un état d'équilibre stable est caractérisé par une ligne de pression partout intérieure à la maçonnerie.

2  Définition des poussées actives et passives

Si il existe une ligne de pression intérieure à l'arc, alors il existe une valeur maximale $\Hmax $ de la poussée horizontale à la clé pour laquelle l'arc est stable. Il existe également une valeur minimale $\Hmin $ de la poussée horizontale à la clé pour laquelle l'arc est stable. L'existence de ces poussées a été démontrée sous des formes différentes par Smars, qui utilise la propriété de convexité du domaine de résistance (2000 [3]), et Delbecq, qui utilise les propriétés géométriques des lignes de pressions (1983 [2]). Historiquement, les concepts de poussées extrémales ont été exposé par Coulomb en 1776 [1].
$\Hmin $ est appelée poussée passive, et $\Hmax $ poussée active. Lorsque $\Hmin=\Hmax $, il n'existe alors qu'une seule ligne des pressions intérieure à l'arc.
Comme nous l'avons indiqué en introduction, il n'est pas possible généralement de connaître la poussée d'une voûte. Cependant on sait que cette poussée est comprise nécessairement entre $\Hmin $ et $\Hmax $.
Les figures suivantes illustrent les poussées actives et passives sur trois exemples : un arc en plein cintre, un arc d'ogive en tiers point, un arc boutant avec surcharge. Les positions où les lignes des pressions touchent l'intrados ou l'extrados sont marquées par un point rouge.
Fig 1: Arc plein cintre - poussée passive (g.) et active (d.)
Fig 2: Arc ogive - poussée passive (g.) et active (d.)
Fig 3: Arc-boutant - poussée passive et active

1 décembre 2012

Palazzo Vivarelli Colonna - Fontaine

La fontaine du Palazzo Vivarelli Colonna, à Florence, a été réalisée entre 1704 et 1708 pour Francesco Niccolo Maria Gabburri. Les sculptures sont de Giovanni Baratta, les décors peint (disparus) sont de Rinaldo Botti et Lorenzo Del Moro.
On y voit Orphée, au centre d'un portique : l'arc est fracturé, les colonnes tordues vers l'extérieur. Trois faunes semblent lutter pour empêcher la chute du blason. La ruine de la fontaine est mise en scène par les éléments du décors.
Palazzo Colonna - Fontaine
Palazzo Colonna - Fontaine - détail

25 novembre 2012

Balcons - Palerme

1 Introduction

Nous présentons ci-dessous quelques exemples caractéristiques de balcons pouvant être observés à Palerme (Sicile, Italie). Ces exemples sont regroupés dans trois grands groupes : balcons à consoles en pierre, balcons à consoles métalliques, et balcons avec profilés métalliques à double T.
Les photos ci-dessous sont précédées de courts commentaires sur les aspects structurels des balcons. Il faut noter cependant que les photos, prises depuis le sol, ne révèlent que la forme extérieure des balcons. Or cette dernière n'est que la partie émergée de l'iceberg. Par exemple pour les consoles en pierre, la partie visible est généralement plus courte que la partie engagée dans la maçonnerie du mur de façade. Les systèmes d'ancrage des pièces métalliques (profilés métalliques en double T, tirants des consoles triangulaires) jouent un rôle essentiel dans la stabilité du balcon, et eux aussi ne sont pas visibles sur ces photos.
Cette article servira d'introduction à un article sur les systèmes de porte-à-faux utilisés dans les monuments anciens.

2 Balcons à consoles en pierre

Balcons formés par des dalles en pierre d'épaisseur importante (de l'ordre de 20cm), souvent ornés de caissons en sous-face. Ces dalles en pierre sont appuyées sur la maçonnerie du mur de façade (voir encastrées dans ce dernier), et portées par des consoles. Les consoles sont formés par un ou plusieurs blocs de pierre monolithes, dont seule une petite partie émerge de la maçonnerie.
Les quatre exemples ci-dessous possèdent des balustrades à jabot d'oie.

Balcons à faible saillie

Consoles à volutes

Palazzo Nuccio, Palerme

Consoles à volutes. La console principale est placée sur la clé de l'arc.
Palazzo Sammartino, Palerme

17 novembre 2012

Mémoire sur le calcul des voûtes circulaires - Petit 1835

1  Introduction

Petit publie en 1835 son Mémoire sur le calcul des voûtes circulaires dans le Mémorial de l'officier du génie [5]. Il accompagne ce mémoire de tableaux permettant le calcul des poussées des voûtes en berceau, et le calcul des épaisseurs des piédroits qui supportent ces voûtes. Les tableaux de Petit semblent avoir connu un certain succès, et sont repris par plusieurs auteurs au XIXe siècle dans des cours généralistes sur la construction : Claudel (1857 [1], 1864 [2, p.1098-1106] etc.), Demanet (1861 [3, p.515 et suivantes])...
Les tableaux de Petit sont particulièrement simples d'utilisation. Nous allons montrer ci-dessous comment les utiliser pour calculer rapidement la poussée d'une voûte en berceau. Nous verrons également à quoi correspond la poussée calculée du point de vue du calcul à la rupture.
Nous reprenons ci-dessous les tableaux et notations tels que présentés par Demanet (1861 [3]).

2  Présentation des tableaux

2.1  Typologies, notations, hypothèses

Petit considère plusieurs types de voûtes en berceau :
  • voûtes en plein cintre, à extrados parallèle ;
  • voûtes en plein cintre, extradossées en chape à 45o ;
  • voûtes en plein cintre, à extrados de niveau ;
  • voûtes en arc de cercle, extradossées parallèlement.
La géométrie de ces voûtes est illustrée plus bas sur des exemples. Les notations utilisées dans la suite sont :
  • $r$ : rayon de l'intrados (rayon intérieur)
  • $R$ : rayon de l'extrados (rayon extérieur)
  • $K=R/r$ : rapport entre le rayon de l'extrados et de l'intrados, utilisé comme paramètre principal des tableaux
  • $h$ : hauteur du piédroit

7 octobre 2012

Les coulis d'injection pour le confortement des murs

1  Introduction

Les murs les plus répandus pour la construction les monuments anciens sont des murs à double parements avec fourrure (three-leaf wall). La résistance et la rigidité de ces murs peut être notablement affaiblie par le vidage des maçonneries, c'est-à-dire par la disparition progressive du mortier de pose des parements et du mortier de hourdage de la fourrure. Il existe un moyen simple, et largement utilisé aujourd'hui, pour renforcer ces murs : les coulis d'injection.
Le renforcement des maçonneries par coulinage est connu en France depuis le début du XXe siècle. Il consiste à injecter gravitairement ou sous basse pression un coulis afin de remplir les vides à l'intérieur des maçonneries. Accompagné d'autres interventions de régénération des maçonneries, il permet d'augmenter la résistance des maçonneries pour résister aux charges qui leur sont appliquées : poids propre, poussées des voûtes, forces sismiques etc.
Les coulis peuvent être à base de ciment, de chaux hydraulique, de résines1 etc.. Nous verrons qu'ils doivent remplir des conditions de compatibilité pour pouvoir être injectables et efficaces pour l'obtention d'un renforcement effectif de la maçonnerie. Nous donnerons également quelques pistes pour aider à quantifier les effets du coulinage sur la résistance aux efforts statiques et dynamiques des murs à double parements avec fourrure. L'effet du coulinage est en effet plus complexe que le simple remplissage des vides.
Fig 1: Mur à double parements avec fourrure ou blocage
Extrait du dictionnaire raisonné de l'architecture de Viollet-le-Duc
Source Wikicommons

2  Historique des injections de renforcement

Les coulis de ciment sont utilisés pour la construction (et non le renforcement) pour les murs de quai, les bajoyers d'écluses2 depuis la fin du XIXe siècle. Ils sont injectés sous pression lors de la construction pour éviter la formation de fissures verticales au niveau des joints des différentes phases de construction. Caméré expose dans les Annales des Ponts et Chaussées cette méthode utilisée pour la grande écluse de Port-Villez, terminée en 1892 (1900 [5]). Il note dans son article que la méthode d'injection de coulis de ciment pourrait être adaptée pour le renforcement des "massifs de maçonnerie en mauvais état".
Le domaine d'utilisation des coulis s'étend progressivement au début du XXe siècle (voir par exemple leur utilisation pour les voûtes du métro - Suquet 1909 [19]), mais leur utilisation pour le renforcement des maçonneries existantes est peut-être restée dans un premier temps relativement confidentielle, puisque Froidevaux indique que cette technique de confortement est trouvée par des Services des Monuments Historiques vers 1920, et utilisée en particulier pour conforter une des piles de la tour de la cathédrale de Strasbourg (2001 [11]). Deloye mentionne cependant que le premier brevet pour le renfort des maçonneries par injection aurait été déposé quelques années plus tôt, en 1908 (1991 [9]).
Les techniques d'injections évoluent dans les années 1970, avec l'abandon progressif des injections sous pression et du lavage préalable à l'eau. Les coulis à base de plâtre sont développés à la fin des années 1980 pour les maçonneries hourdés au plâtre (Garnier 1999 [12]). . Bouineau indique quelques repères historiques concernant l'évolution de la formulation des coulis entre 1975 et 1996 (voir Bouineau 1999 [3]).
Fig 2: Essais d'injection - Caméré 1900 [5]
scanné par la BNF

5 août 2012

Les planchers métalliques à poutrelles en double T

1  Introduction

Jusqu'aux années 1840, les éléments porteurs des planchers des habitations - solives, poutres, chevêtres etc. - étaient en bois, avec parfois des renforcements métalliques aux liaisons entre les éléments en bois ou au niveau des appuis sur la maçonnerie - étriers, ancres etc. Des systèmes de planchers métalliques sont inventés à cette époque pour les planchers des maisons et des immeubles de rapport. Nous nous intéressons dans la suite en particulier aux planchers avec solives à double T (aujourd'hui appelées I métalliques). Ce type de plancher dominera ce secteur de la construction à partir des années 1860, et connaîtra de nombreux développements jusqu'à l'apparition des premiers planchers en béton armé dans les années 1890.

2  Les planchers métalliques avant l'apparition des poutrelles à double T

2.1  Les planchers à fermettes

Avant l'apparition des poutrelles métalliques, des solives dites "fermettes" furent utilisées pour les planchers de théâtres et de bâtiments officiels (Fig. 1). Ces fermettes étaient le résultat de l'assemblage d'un arc en fer et d'un tirant. Elles jouaient le rôle de solives, et les entrevous étaient remplis avec des poteries creuses. Employées principalement pour les grands édifices et les théâtres, elles furent peu utilisées pour les planchers d'habitation, en raison de leur coût, rendu non compétitif par les nombreux assemblages nécessaires (Chapron 1860 [3]). Une ordonnance de police rendait l'utilisation du métal obligatoire pour la construction des planchers et des combles des théâtres à Paris, ce qui a pu favoriser l'emploi de ces planchers à fermettes (Sirodot 1851 [22, p. 70]). Ce type de plancher fut rapidement dépassé par les planchers à profilés à double T que nous allons voir dans la suite, mais des perfectionnements des systèmes de fermes étaient encore proposés lors d'une exposition en 1849 (Sirodot 1851 [22, p .75]).
Fig 1: Fermette
d'après Chapron 1860 [3]
scanné par la BNF

2.2  Le système Vaux avec fers méplats

Vaux fit breveter1 en juillet 1845 un système de plancher innovant, avec solives formées de fers méplats de forte dimension (Fig. 2). Ces fers étaient posés de champ2 et entretoisés avec des barres coudées. Ils avaient environ 8 à 9mm d'épaisseur et 10 à 20cm de hauteur . Ils étaient cintrés vers le haut de 1cm/ml (soit une contre-flèche de 1/100). Les entrevous étaient hourdés au plâtre.

24 juillet 2012

La photogrammétrie : VisualSFM et MeshLab

1  Introduction

Il est généralement difficile aux étudiants de trouver les plans nécessaires pour étudier la structure d'un monument ancien. Les plans anciens, s'ils existent, sont souvent incomplets. Nous présentons ici un tutorial utilisant deux logiciels libres1 pour obtenir simplement à partir de photos les nuages de points et les maillages permettant d'établir les plans nécessaires à l'analyse structurelle. Il n'est pas nécessaire d'avoir de connaissances particulières en photogrammétrie pour utiliser ces logiciels, les principes de bases sont expliqués ci-dessous.
Les logiciels utilisés ici sont VisualSFM et MeshLab. Ils ont été développés par des étudiants dans un cadre universitaire, et leur usage combiné permet d'obtenir des nuages de points en 3D et des maillages, uniquement à partir de photos. Ils sont téléchargeables sur Internet sous forme compilée pour Windows, permettant leur usage par le plus grand nombre, sans nécessiter de connaissances informatiques poussées. De plus l'utilisation des cartes graphiques nVidia par VisualSFM permet d'accélérer grandement les temps de calcul pour la production des nuages de points : il n'est pas nécessaire d'avoir une machine très puissante pour accéder rapidement aux premiers résultats.
Nous présentons ci-dessous le principe de fonctionnement de ces logiciels, et l'illustrons sur quelques exemples. Notre objectif n'est pas de décrire précisément le fonctionnement de ces logiciels, mais de simplement de donner les grandes lignes du fonctionnement afin de permettre l'utilisation de leurs fonctions de base. Nous donnons à la fin de cet article les références de sites en anglais pour en apprendre plus sur ces logiciels.

2 juillet 2012

Les angles de volée des cloches

1  Introduction

Lors de la mise en place d'une cloche sonnée à la volée, un mode de volée (lancé-franc, mode rétro-grade, mode rétro-lancé etc.) est choisi. L'installateur ajuste l'angle de volée maximum $\phimax $ avec la géométrie du battant, avec celle du joug et avec la position de l'axe de rotation de la cloche, afin d'obtenir un équilibre des différents composants du système qui permette de tirer le meilleur parti des qualités sonores de la cloche.
Une fois ce réglage effectué, il est possible de calculer les éléments suivants à partir des paramètres qui décrivent la cloche et son installation : le mouvement angulaire de la cloche $\phi(t)$, et la poussée horizontale $H(t)$ et verticale $V(t)$ s'appliquant sur l'axe de rotation (voir notre article précédent sur ce sujet).
Le choix de l'angle de volée maximum $\phimax $ a des conséquences importantes sur les amplitudes des poussées, et également sur leurs fréquences. Ces conséquences sont illustrées par des animations dans cet article. En particulier, nous allons voir que la fréquence avec laquelle la cloche exerce ses efforts ne correspond pas nécessaire à la fréquence visible du mouvement.

2  L'angle de volée maximum

L'angle de volée maximum $\phimax $ est défini comme le déplacement angulaire maximum de l'axe de symétrie axiale de la cloche par rapport à son état d'équilibre au repos1. Il varie suivant les pays et les régions. Ivorra et al. (2006) [1] donnent les indications suivantes sur les angles de volée maximum suivant les pays :
  • 54-80o en Allemagne ;
  • 80-110o en France, Italie et d'autres pays européens ;
  • 50-160o aux Etats-Unis ;
  • 180o en Angleterre ("change ringing") ;
  • volée tournante (les cloches font des tours complets, leur vitesse angulaire est non nulle à $\phi=180$o) en Espagne.

22 juin 2012

Poids et poussées des voûtes d'ogives - la table de Ungewitter et Mohrmann

La table de Ungewitter et Mohrmann, publiée pour la première fois en 1890 à Leipzig dans la troisième édition du "Lehrbuch der gotischen Konstruktionen", permet de calculer rapidement le poids et la poussée que les voûtes d'ogives exercent sur leurs piédroits. Cette table a été partiellement traduite en anglais (Heyman (1995) [1]). Elle est d'une grande simplicité d'utilisation, mais reste sujette à des restrictions d'utilisation, notamment sur la forme en plan des travées considérées, et sur les formes des voûtes. Les conditions d'applications de cette table sont décrites dans les pages 137 à 1401 de l'ouvrage de Ungewitter et Mohrmann. Nous proposons ici une traduction commentée de ces pages, qui sont importantes pour utiliser à bon escient la table. Nos commentaires sont indiqués dans les notes de bas de page.
Le lecteur pourra trouver à la fin de cet article un petit lexique pour aider à la lecture du texte original. Lors de la première utilisation d'un terme important, nous indiquons l'expression d'origine en allemand. La traduction proposée ci-dessous doit encore être améliorée :elle le sera progressivement. N'hésitez pas à nous signaler vos suggestions et corrections.
Fig 1: Table 1 tirée de Ungewitter [4]
numérisé par Google
Explications concernant la table des poids et poussées horizontales des voûtes en berceau et des voûtes d'ogives2 simples
Bien qu'il soit assez facile de calculer avec la précision nécessaire les poussées ["Schübe"] des voûtes grâce aux méthodes présentées ci-dessus [NDT pages non traduites], il semble qu'il soit souhaitable de compiler une table pour les types de voûtes habituels, selon les différences de flèche, d'épaisseur des voûtains["Wölbstärke"], de matériau, afin de pousser plus loin encore la simplification (voir table 1). La table a été déterminée sur la base des lignes de pression3 ["Stützlinien"] construites en appliquant la formule simple $H.h = G.a$ (voir figure 365). Elle est valable pour les voûtes d'ogives symétriques sur plan carré ou légèrement rectangulaire, avec peu ou pas de surélévation ["Überhöhung"] des arcs doubleaux ou formerets. Elle est utilisable pour les voûtes de taille quelconque en plan, étant donné que le poids $\Vo $ et la poussée $\Ho{}$ sont indiqués par mètre carré de surface au sol. Ces chiffres sont multipliés avec les aires d'influence (en mètre carré) des parties de voûtes chargeant le piédroit ["Widerlager"] considéré (habituellement une demi-voûte), afin de donner la force verticale et la poussée horizontale s'appliquant sur le piédroit.

26 mai 2012

Les poussées des cloches

1  Introduction

Les cloches sonnées à la volée exercent des poussées sur les beffrois, et par conséquent sur les tours qui les portent. Lors de l'étude structurelle d'un clocher, une des premières étapes concerne donc l'estimation du poids des cloches et de leurs poussées horizontales et verticales. Pour pouvoir calculer ces valeurs, il faut déterminer les équations du mouvement et les résoudre, ce qui ne pose pas de difficulté particulière comme nous allons le voir. Il faut cependant connaître un certain nombre de paramètres qui décrivent la géométrie de la cloche et de son mouvement. La récolte de ces données peut s'avérer plus délicate, en particulier lorsque les cloches sont déjà existantes, et que la fonderie qui leur a donné naissance a disparu.
Le relevé de la géométrie du joug et de la position de l'axe de rotation de la cloche ne pose pas de problème. Les difficultés commencent avec la détermination du poids de la cloche, se poursuivent avec la position de son axe de gravité, et continuent avec l'inertie. Nous proposons ici une méthode pour déterminer ces trois paramètres pour les cloches de forme gothique et comparons les résultats de cette méthode avec les données dont nous disposons (tables de différents fondeurs français).
Les parties théoriques de cet article s'appuient principalement sur des sources étrangères : anglaises, espagnoles, allemandes, néerlandaises, belges... La théorie du mouvement des cloches et de leurs poussées est évidemment identique pour les cloches françaises. Cependant les paramètres à prendre en compte pour les calculs ne sont pas les mêmes : les tracés, le type de volée et les angles de volées varient suivant les pays. Cette particularité a bien été prise en compte ci-dessous. Nous nous intéressons spécifiquement dans cet article aux cloches sonnées à la volée que l'on peut trouver en France.

2  Anatomie des cloches

2.1  Eléments

Une cloche sonnée à la volée est équipée d'un battant, relié au cerveau de la cloche par une bélière. Les anses permettent de lier solidement le cerveau de la cloche au joug. Les efforts qui permettent de mettre la cloche en mouvement sont appliqués par l'intermédiaire d'une roue manœuvrée aujourd'hui par une chaîne et un moteur, autrefois par une corde ou un balancier activés par les sonneurs.
Un lexique complet des différents équipements et parties d'une cloche sonnée à la volée peut être consulté sur le site de la Société Française de Campanologie à l'adresse suivante : campanologie.free.fr.

2.2  Tracé et profil

Les cloches coulées en bronze utilisées dans les églises ne sont pas antérieures au VIe siècle en France. Parmi ces cloches, les premières sonnées à la volée dateraient du début du XIIIe siècle. La forme des cloches évolue d'une forme très droite, en "ruche", vers une forme plus évasée, en "pain de sucre". Cette évolution aboutit vers le XIIIe ou XIVe siècle à une forme dite "gothique". Cette forme varie dans des frontières assez étroites entre le XIIIe et XVe siècle (Gonon [13]). La forme "gothique" est fixée définitivement au XVIe et XVIIe siècle avec la diffusion des premiers traités décrivant les méthodes de tracé correspondantes (voir Gouriou [14], Deforge [7], Gnehm et Hoffman [12]). Cette forme est assez proche de celle des cloches actuelles.
D'un point de vue structurel, le tracé des cloches gothique produites aujourd'hui en France diffère peu de celui des cloches du XVe siècle (Deforge [7, p.46]). Chaque fondeur ayant mis au point son propre tracé, il existe bien sûr des différences entre chacun de ces tracés. Cependant ces différences jouent principalement sur l'acoustique des cloches. Pour le sujet qui nous intéresse - la poussée d'une cloche de forme gothique - les variations de tracé et leur impact sur ces poussées peuvent être négligés. Nous nous intéresserons dans la suite uniquement aux cloches de forme gothique, d'un diamètre supérieur à 60cm.
Pour un type de tracé donné, la géométrie d'une cloche est caractérisé par son épaisseur. Par tradition, cette épaisseur est exprimée par le rapport $\d/\t $ appelé profil, avec $d$ le diamètre de la cloche au niveau de la bouche, et $t$ l'épaisseur de la cloche au niveau de la panse. Le profil peut varier entre 9 et 19 d'après les sources disponibles, les profils les plus courants pour les cloches sonnées à la volée semblent être compris entre 11 et 15. Le profil est souvent désigné par une expression plutôt que par sa valeur numérique. On parle alors de profil ultra-lourd (ou extra-lourd, super-lourd), lourd, moyen, léger, ou encore ultra-léger (ou super-léger). Il ne semble pas exister de consensus pour relier à ces expressions des valeurs numériques bien définie. C'est pourquoi nous utiliserons dans la suite les expressions numériques pour désigner les profils $\d/\t $.
Fig 1: Evolution de la forme des cloches
Anses non représentées
Fig 2: Cloches en "pain de sucre" (Toscane, Italie)

20 mai 2012

Le calcul à la rupture appliqué aux voûtes

1  Introduction

Nous présenterons sur ce blog des exemples d'études d'arcs et de voûtes, ainsi que différents concepts liés à ces structures (poussées actives et passives, coefficients de rupture et coefficients de sécurité géométrique, évolution des structures après mise en place d'un mécanisme de ruine...). Pour traiter ces sujets, nous utiliserons le calcul à la rupture. Cet article est une présentation rapide du calcul à la rupture appliqué aux structures maçonnées.
Commençons par un exemple : considérons un arc posé sur des supports fixes, arc dont on ne connaît que la géométrie, le chargement qui s'y applique, et la capacité de résistance de son matériau constitutif. Cette structure est trois fois hyperstatique. Cela signifie qu'il est possible de calculer l'ensemble des efforts intérieurs de l'arc sous l'effet du chargement, à condition de se donner trois paramètres : par exemple la poussée horizontale, la force verticale appliquée par l'arc sur un de ses appuis, et la position de la résultante des forces à la clé. Supposons ces trois paramètres fixés. En écrivant les équations de l'équilibre (la somme des forces et moments sur chaque bloc est nulle), on détermine l'ensemble des forces s'exerçant sur les joints de l'arc (les forces intérieures). On peut alors dessiner la ligne de pression, c'est-à-dire le lieu géométrique des points d'application des résultantes des forces sur les joints. On peut imaginer cette ligne comme l'endroit où "passent les forces". Un exemple de ligne de pression est dessiné sur la figure 1, avec des points rouges indiquant où la ligne passe le plus près de l'intrados ou de l'extrados de l'arc.
Fig. 1: Ligne de pression
Il faut retenir ici que la ligne de pression trouvée correspond à un état d'équilibre (la somme des forces et moments sur les blocs est nulle), qui a été choisi arbitrairement en fixant trois paramètres. Comme il est possible de choisir la valeur des paramètres, il existe une infinité de lignes de pression, chacune représentant un état d'équilibre de l'arc. Si on considère un état d'équilibre particulier, deux questions se posent :
  1. L'état d'équilibre considéré est-il un état d'équilibre stable ?
  2. L'état d'équilibre considéré est-il l'état d'équilibre réel de l'arc ?
Nous allons voir que le calcul à la rupture permet de répondre à la première question de manière graphique : un état d'équilibre est stable si sa ligne de pression est comprise à l'intérieur des limites de l'arc. De plus, si un tel état d'équilibre existe, alors l'arc lui même est stable, même si on ne connaît pas l'état d'équilibre réel de l'arc. Cependant il n'est pas possible de répondre à la seconde question sans se donner d'autres informations sur l'arc. Le calcul à la rupture permet donc de se prononcer sur la stabilité1 d'une structure sans savoir dans quel état d'équilibre elle se trouve réellement.

18 mai 2012

Les chevilles et la traction dans les assemblages à tenon et mortaise chevillés

1  Introduction

Le bon dimensionnement des charpentes anciennes est le plus souvent montré par l'expérience. Il n'est pas nécessaire de se lancer dans de longs calculs pour montrer qu'une charpente sans désordres en place depuis plusieurs centaines d'années est stable. Cependant, lors d'un aménagement, il peut être nécessaire de modifier la charpente : ajouter de nouvelles charges, créer des ouvertures, supprimer ou modifier des éléments de charpentes existants. Il faut alors démontrer la stabilité de la charpente modifiée, et pour cela estimer la capacité portante des assemblages.
Parmi les assemblages traditionnels des charpentes en bois françaises, les assemblages à tenon et mortaise tiennent une place de choix depuis le XIIe siècle (Hoffsummer 2002 [16]). Ils permettent de transmettre par contact les charges de compression de la pièce portant le tenon sur la pièce portant la mortaise. Si l'assemblage est muni d'une cheville, il peut alors transmettre également des efforts de traction. Nous nous intéressons dans cet article à l'évaluation de la capacité portante en traction de ces assemblages. La norme actuellement en vigueur pour le dimensionnement des structures en bois (Eurocode 5 [8]) ne donne aucune indication pour le calcul de la traction admissible dans un assemblage par le seul moyen de chevilles en bois. S'il est parfois possible de montrer le bon dimensionnement d'une charpente en négligeant la résistance à la traction fournie aux assemblages par les chevilles, Cependant ce mode de calcul conduit à sous-estimer la stabilité réelle des charpentes. Il y a donc un intérêt réel à estimer ces résistances.
Les sources disponibles sur les chevilles correspondent à trois domaines :
  • l'archéologie du bâti : relevés de charpentes et synthèses sur l'évolution des charpentes en France ;
  • les règles de l'art : publiées dans les traités sur la construction en bois ou transmises oralement, ces informations correspondaient d'une certaine manière à nos normes actuelles, et sont toujours utilisées de nos jours ;
  • la recherche expérimentale : compte-rendus, rapports et articles qui détaillent les résultats des expériences menées sur les assemblages avec cheville pour déterminer les modes de calcul et les facteurs d'influence sur la résistance et la rigidité des assemblages chevillés. Ces expériences visent généralement à établir des règles de dimensionnement pour la production de nouveaux assemblages, et non à vérifier le dimensionnement des assemblages anciens.
Cet article n'apporte pas d'informations nouvelles sur les chevilles. Il présente une synthèse d'informations déjà publiées en français et en anglais.
La forme des chevilles, les dimensions caractéristiques des assemblages, les matériaux utilisés d'une part pour la cheville, d'autre part pour les éléments en bois à assembler, et le mode opératoire de mise en œuvre sont autant de paramètres qui ont une influence sur la capacité d'un assemblage avec cheville pour reprendre la traction. Nous présenterons donc dans un premier temps une synthèse sur l'anatomie des chevilles en bois. Les différents paramètres entrant en compte dans la résistance et dans le comportement (fragile ou ductile) des assemblages à chevilles soumis à la traction seront ensuite abordés, puis nous indiquerons quelles sont les hypothèses généralement posées pour permettre le calcul de la capacité portante d'une cheville en bois dans le cadre théorique utilisé par la norme actuelle pour le dimensionnement d'assemblages à tiges. Les informations rassemblées sur les chevilles visent à faire un état des lieux sur les connaissances des chevilles en bois utilisées dans les charpentes en France1 du XIIe au XVIIIe.
Fig 1: Assemblage à tenon et mortaise chevillé

15 mai 2012

Vocabulaire Anglais-Français pour les constructions en bois traditionnelles

Nous présentons ci-dessous les principaux mots de vocabulaires utiles pour la compréhension des articles anglophones publiés sur la construction en bois.

Termes d'assemblages
(wedged / pinned) mortise-and-tenon joint assemblage à tenon et mortaise (avec cale / cheville)
cleft die driven peg cheville, fendue et passée par une filière
cleft tapered peg (tapered) cheville, fendue et de forme tronconique
cotter bolt boulon à clavette
cotter-pin clavette
dovetail joint assemblage à queue d'aronde
draw-boring, draw-pinning, draw-pegging chevillage à tire
halved joint assemblage à entaille (à mi-bois)
halved scarf joint enture à mi-bois droit
joint assemblage
jointing end-to-end enture
lap cog joint assemblage à double entaille
mortise mortaise
notch embrèvement
peg cheville en bois
scarf joint enture
simple skew notch joint assemblage à embrèvement simple
slit mortise joint / fork and tongue joint assemblage à enfourchement
splayed scarf joint enture en sifflet
steel dowel cheville métallique
stop-splayed and tabled scarf joint (with key) trait de Jupiter (avec clé)
tenon tenon
turned peg cheville, passée au tour
tusk tenon joint assemblage à tenon renforcé


Eléments de charpente
beam Poutre
brace Décharge
brace Guette
brace Jambe-de-force
brace Jambette
brace, strut Contrefiche
braces Décharges en chevron
braces Décharges en croix de saint andré
entertie Blochet
girder Entrait des jambes de force
jetty ceiling joist Solives formant encorbellement
joist Solive
king post, crown post Poinçon
main rafter Arbalétrier
mullion Meneau
post, stud Poteau
purlin Panne
rafter Chevron
ridge beam Faîtage
secondary truss beam, collar beam, collar-tie Faux-entrait
sill-beam, ground-sill, sole-piece Sablière de plancher
strut, diagonal tie, knee brace Aisselier
stud Tournisse
truss beam Entrait de la fermette
wall-plate Sablière de chambrée
window stud Poteau de fenêtre


Description du matériau bois
boxed-heart avec cœur
check, cleft Gerce
cleft timber bois fendu (séchage)
free-of-heart hors cœur
hardwood Feuillu
heartwood bois parfait (duramen, bois de cœur)
log grume
sapwood aubier
seasoned wood Bois sec
softwood Résineux
wane flache


Essences
ash tree frêne (fraxinus)
european oak chêne (Quercus robur, ...)
fir sapin (abies)
pine pin
poplar peuplier (populus)
red oak chêne rouge ( Quercus rubra)
spruce épicéa
white oak chêne blanc (Quercus alba)

Pour compléter cette liste, il existe plusieurs sites de terminologie scientifique possédant des catégories dédiées aux termes techniques français-anglais relatifs à la construction en bois. Les principaux sont les suivants :

Article mis en ligne le : 15/05/2012