26 mai 2012

Les poussées des cloches

1  Introduction

Les cloches sonnées à la volée exercent des poussées sur les beffrois, et par conséquent sur les tours qui les portent. Lors de l'étude structurelle d'un clocher, une des premières étapes concerne donc l'estimation du poids des cloches et de leurs poussées horizontales et verticales. Pour pouvoir calculer ces valeurs, il faut déterminer les équations du mouvement et les résoudre, ce qui ne pose pas de difficulté particulière comme nous allons le voir. Il faut cependant connaître un certain nombre de paramètres qui décrivent la géométrie de la cloche et de son mouvement. La récolte de ces données peut s'avérer plus délicate, en particulier lorsque les cloches sont déjà existantes, et que la fonderie qui leur a donné naissance a disparu.
Le relevé de la géométrie du joug et de la position de l'axe de rotation de la cloche ne pose pas de problème. Les difficultés commencent avec la détermination du poids de la cloche, se poursuivent avec la position de son axe de gravité, et continuent avec l'inertie. Nous proposons ici une méthode pour déterminer ces trois paramètres pour les cloches de forme gothique et comparons les résultats de cette méthode avec les données dont nous disposons (tables de différents fondeurs français).
Les parties théoriques de cet article s'appuient principalement sur des sources étrangères : anglaises, espagnoles, allemandes, néerlandaises, belges... La théorie du mouvement des cloches et de leurs poussées est évidemment identique pour les cloches françaises. Cependant les paramètres à prendre en compte pour les calculs ne sont pas les mêmes : les tracés, le type de volée et les angles de volées varient suivant les pays. Cette particularité a bien été prise en compte ci-dessous. Nous nous intéressons spécifiquement dans cet article aux cloches sonnées à la volée que l'on peut trouver en France.

2  Anatomie des cloches

2.1  Eléments

Une cloche sonnée à la volée est équipée d'un battant, relié au cerveau de la cloche par une bélière. Les anses permettent de lier solidement le cerveau de la cloche au joug. Les efforts qui permettent de mettre la cloche en mouvement sont appliqués par l'intermédiaire d'une roue manœuvrée aujourd'hui par une chaîne et un moteur, autrefois par une corde ou un balancier activés par les sonneurs.
Un lexique complet des différents équipements et parties d'une cloche sonnée à la volée peut être consulté sur le site de la Société Française de Campanologie à l'adresse suivante : campanologie.free.fr.

2.2  Tracé et profil

Les cloches coulées en bronze utilisées dans les églises ne sont pas antérieures au VIe siècle en France. Parmi ces cloches, les premières sonnées à la volée dateraient du début du XIIIe siècle. La forme des cloches évolue d'une forme très droite, en "ruche", vers une forme plus évasée, en "pain de sucre". Cette évolution aboutit vers le XIIIe ou XIVe siècle à une forme dite "gothique". Cette forme varie dans des frontières assez étroites entre le XIIIe et XVe siècle (Gonon [13]). La forme "gothique" est fixée définitivement au XVIe et XVIIe siècle avec la diffusion des premiers traités décrivant les méthodes de tracé correspondantes (voir Gouriou [14], Deforge [7], Gnehm et Hoffman [12]). Cette forme est assez proche de celle des cloches actuelles.
D'un point de vue structurel, le tracé des cloches gothique produites aujourd'hui en France diffère peu de celui des cloches du XVe siècle (Deforge [7, p.46]). Chaque fondeur ayant mis au point son propre tracé, il existe bien sûr des différences entre chacun de ces tracés. Cependant ces différences jouent principalement sur l'acoustique des cloches. Pour le sujet qui nous intéresse - la poussée d'une cloche de forme gothique - les variations de tracé et leur impact sur ces poussées peuvent être négligés. Nous nous intéresserons dans la suite uniquement aux cloches de forme gothique, d'un diamètre supérieur à 60cm.
Pour un type de tracé donné, la géométrie d'une cloche est caractérisé par son épaisseur. Par tradition, cette épaisseur est exprimée par le rapport $\d/\t $ appelé profil, avec $d$ le diamètre de la cloche au niveau de la bouche, et $t$ l'épaisseur de la cloche au niveau de la panse. Le profil peut varier entre 9 et 19 d'après les sources disponibles, les profils les plus courants pour les cloches sonnées à la volée semblent être compris entre 11 et 15. Le profil est souvent désigné par une expression plutôt que par sa valeur numérique. On parle alors de profil ultra-lourd (ou extra-lourd, super-lourd), lourd, moyen, léger, ou encore ultra-léger (ou super-léger). Il ne semble pas exister de consensus pour relier à ces expressions des valeurs numériques bien définie. C'est pourquoi nous utiliserons dans la suite les expressions numériques pour désigner les profils $\d/\t $.
Fig 1: Evolution de la forme des cloches
Anses non représentées
Fig 2: Cloches en "pain de sucre" (Toscane, Italie)

20 mai 2012

Le calcul à la rupture appliqué aux voûtes

1  Introduction

Nous présenterons sur ce blog des exemples d'études d'arcs et de voûtes, ainsi que différents concepts liés à ces structures (poussées actives et passives, coefficients de rupture et coefficients de sécurité géométrique, évolution des structures après mise en place d'un mécanisme de ruine...). Pour traiter ces sujets, nous utiliserons le calcul à la rupture. Cet article est une présentation rapide du calcul à la rupture appliqué aux structures maçonnées.
Commençons par un exemple : considérons un arc posé sur des supports fixes, arc dont on ne connaît que la géométrie, le chargement qui s'y applique, et la capacité de résistance de son matériau constitutif. Cette structure est trois fois hyperstatique. Cela signifie qu'il est possible de calculer l'ensemble des efforts intérieurs de l'arc sous l'effet du chargement, à condition de se donner trois paramètres : par exemple la poussée horizontale, la force verticale appliquée par l'arc sur un de ses appuis, et la position de la résultante des forces à la clé. Supposons ces trois paramètres fixés. En écrivant les équations de l'équilibre (la somme des forces et moments sur chaque bloc est nulle), on détermine l'ensemble des forces s'exerçant sur les joints de l'arc (les forces intérieures). On peut alors dessiner la ligne de pression, c'est-à-dire le lieu géométrique des points d'application des résultantes des forces sur les joints. On peut imaginer cette ligne comme l'endroit où "passent les forces". Un exemple de ligne de pression est dessiné sur la figure 1, avec des points rouges indiquant où la ligne passe le plus près de l'intrados ou de l'extrados de l'arc.
Fig. 1: Ligne de pression
Il faut retenir ici que la ligne de pression trouvée correspond à un état d'équilibre (la somme des forces et moments sur les blocs est nulle), qui a été choisi arbitrairement en fixant trois paramètres. Comme il est possible de choisir la valeur des paramètres, il existe une infinité de lignes de pression, chacune représentant un état d'équilibre de l'arc. Si on considère un état d'équilibre particulier, deux questions se posent :
  1. L'état d'équilibre considéré est-il un état d'équilibre stable ?
  2. L'état d'équilibre considéré est-il l'état d'équilibre réel de l'arc ?
Nous allons voir que le calcul à la rupture permet de répondre à la première question de manière graphique : un état d'équilibre est stable si sa ligne de pression est comprise à l'intérieur des limites de l'arc. De plus, si un tel état d'équilibre existe, alors l'arc lui même est stable, même si on ne connaît pas l'état d'équilibre réel de l'arc. Cependant il n'est pas possible de répondre à la seconde question sans se donner d'autres informations sur l'arc. Le calcul à la rupture permet donc de se prononcer sur la stabilité1 d'une structure sans savoir dans quel état d'équilibre elle se trouve réellement.

18 mai 2012

Les chevilles et la traction dans les assemblages à tenon et mortaise chevillés

1  Introduction

Le bon dimensionnement des charpentes anciennes est le plus souvent montré par l'expérience. Il n'est pas nécessaire de se lancer dans de longs calculs pour montrer qu'une charpente sans désordres en place depuis plusieurs centaines d'années est stable. Cependant, lors d'un aménagement, il peut être nécessaire de modifier la charpente : ajouter de nouvelles charges, créer des ouvertures, supprimer ou modifier des éléments de charpentes existants. Il faut alors démontrer la stabilité de la charpente modifiée, et pour cela estimer la capacité portante des assemblages.
Parmi les assemblages traditionnels des charpentes en bois françaises, les assemblages à tenon et mortaise tiennent une place de choix depuis le XIIe siècle (Hoffsummer 2002 [16]). Ils permettent de transmettre par contact les charges de compression de la pièce portant le tenon sur la pièce portant la mortaise. Si l'assemblage est muni d'une cheville, il peut alors transmettre également des efforts de traction. Nous nous intéressons dans cet article à l'évaluation de la capacité portante en traction de ces assemblages. La norme actuellement en vigueur pour le dimensionnement des structures en bois (Eurocode 5 [8]) ne donne aucune indication pour le calcul de la traction admissible dans un assemblage par le seul moyen de chevilles en bois. S'il est parfois possible de montrer le bon dimensionnement d'une charpente en négligeant la résistance à la traction fournie aux assemblages par les chevilles, Cependant ce mode de calcul conduit à sous-estimer la stabilité réelle des charpentes. Il y a donc un intérêt réel à estimer ces résistances.
Les sources disponibles sur les chevilles correspondent à trois domaines :
  • l'archéologie du bâti : relevés de charpentes et synthèses sur l'évolution des charpentes en France ;
  • les règles de l'art : publiées dans les traités sur la construction en bois ou transmises oralement, ces informations correspondaient d'une certaine manière à nos normes actuelles, et sont toujours utilisées de nos jours ;
  • la recherche expérimentale : compte-rendus, rapports et articles qui détaillent les résultats des expériences menées sur les assemblages avec cheville pour déterminer les modes de calcul et les facteurs d'influence sur la résistance et la rigidité des assemblages chevillés. Ces expériences visent généralement à établir des règles de dimensionnement pour la production de nouveaux assemblages, et non à vérifier le dimensionnement des assemblages anciens.
Cet article n'apporte pas d'informations nouvelles sur les chevilles. Il présente une synthèse d'informations déjà publiées en français et en anglais.
La forme des chevilles, les dimensions caractéristiques des assemblages, les matériaux utilisés d'une part pour la cheville, d'autre part pour les éléments en bois à assembler, et le mode opératoire de mise en œuvre sont autant de paramètres qui ont une influence sur la capacité d'un assemblage avec cheville pour reprendre la traction. Nous présenterons donc dans un premier temps une synthèse sur l'anatomie des chevilles en bois. Les différents paramètres entrant en compte dans la résistance et dans le comportement (fragile ou ductile) des assemblages à chevilles soumis à la traction seront ensuite abordés, puis nous indiquerons quelles sont les hypothèses généralement posées pour permettre le calcul de la capacité portante d'une cheville en bois dans le cadre théorique utilisé par la norme actuelle pour le dimensionnement d'assemblages à tiges. Les informations rassemblées sur les chevilles visent à faire un état des lieux sur les connaissances des chevilles en bois utilisées dans les charpentes en France1 du XIIe au XVIIIe.
Fig 1: Assemblage à tenon et mortaise chevillé

15 mai 2012

Vocabulaire Anglais-Français pour les constructions en bois traditionnelles

Nous présentons ci-dessous les principaux mots de vocabulaires utiles pour la compréhension des articles anglophones publiés sur la construction en bois.

Termes d'assemblages
(wedged / pinned) mortise-and-tenon joint assemblage à tenon et mortaise (avec cale / cheville)
cleft die driven peg cheville, fendue et passée par une filière
cleft tapered peg (tapered) cheville, fendue et de forme tronconique
cotter bolt boulon à clavette
cotter-pin clavette
dovetail joint assemblage à queue d'aronde
draw-boring, draw-pinning, draw-pegging chevillage à tire
halved joint assemblage à entaille (à mi-bois)
halved scarf joint enture à mi-bois droit
joint assemblage
jointing end-to-end enture
lap cog joint assemblage à double entaille
mortise mortaise
notch embrèvement
peg cheville en bois
scarf joint enture
simple skew notch joint assemblage à embrèvement simple
slit mortise joint / fork and tongue joint assemblage à enfourchement
splayed scarf joint enture en sifflet
steel dowel cheville métallique
stop-splayed and tabled scarf joint (with key) trait de Jupiter (avec clé)
tenon tenon
turned peg cheville, passée au tour
tusk tenon joint assemblage à tenon renforcé


Eléments de charpente
beam Poutre
brace Décharge
brace Guette
brace Jambe-de-force
brace Jambette
brace, strut Contrefiche
braces Décharges en chevron
braces Décharges en croix de saint andré
entertie Blochet
girder Entrait des jambes de force
jetty ceiling joist Solives formant encorbellement
joist Solive
king post, crown post Poinçon
main rafter Arbalétrier
mullion Meneau
post, stud Poteau
purlin Panne
rafter Chevron
ridge beam Faîtage
secondary truss beam, collar beam, collar-tie Faux-entrait
sill-beam, ground-sill, sole-piece Sablière de plancher
strut, diagonal tie, knee brace Aisselier
stud Tournisse
truss beam Entrait de la fermette
wall-plate Sablière de chambrée
window stud Poteau de fenêtre


Description du matériau bois
boxed-heart avec cœur
check, cleft Gerce
cleft timber bois fendu (séchage)
free-of-heart hors cœur
hardwood Feuillu
heartwood bois parfait (duramen, bois de cœur)
log grume
sapwood aubier
seasoned wood Bois sec
softwood Résineux
wane flache


Essences
ash tree frêne (fraxinus)
european oak chêne (Quercus robur, ...)
fir sapin (abies)
pine pin
poplar peuplier (populus)
red oak chêne rouge ( Quercus rubra)
spruce épicéa
white oak chêne blanc (Quercus alba)

Pour compléter cette liste, il existe plusieurs sites de terminologie scientifique possédant des catégories dédiées aux termes techniques français-anglais relatifs à la construction en bois. Les principaux sont les suivants :

Article mis en ligne le : 15/05/2012