1 Introduction
Les cloches sonnées à la volée exercent des poussées sur les beffrois, et par conséquent sur les tours qui les portent. Lors de l'étude structurelle d'un clocher, une des premières étapes concerne donc l'estimation du poids des cloches et de leurs poussées horizontales et verticales. Pour pouvoir calculer ces valeurs, il faut déterminer les équations du mouvement et les résoudre, ce qui ne pose pas de difficulté particulière comme nous allons le voir. Il faut cependant connaître un certain nombre de paramètres qui décrivent la géométrie de la cloche et de son mouvement. La récolte de ces données peut s'avérer plus délicate, en particulier lorsque les cloches sont déjà existantes, et que la fonderie qui leur a donné naissance a disparu. Le relevé de la géométrie du joug et de la position de l'axe de rotation de la cloche ne pose pas de problème. Les difficultés commencent avec la détermination du poids de la cloche, se poursuivent avec la position de son axe de gravité, et continuent avec l'inertie. Nous proposons ici une méthode pour déterminer ces trois paramètres pour les cloches de forme gothique et comparons les résultats de cette méthode avec les données dont nous disposons (tables de différents fondeurs français). Les parties théoriques de cet article s'appuient principalement sur des sources étrangères : anglaises, espagnoles, allemandes, néerlandaises, belges... La théorie du mouvement des cloches et de leurs poussées est évidemment identique pour les cloches françaises. Cependant les paramètres à prendre en compte pour les calculs ne sont pas les mêmes : les tracés, le type de volée et les angles de volées varient suivant les pays. Cette particularité a bien été prise en compte ci-dessous. Nous nous intéressons spécifiquement dans cet article aux cloches sonnées à la volée que l'on peut trouver en France.2 Anatomie des cloches
2.1 Eléments
Une cloche sonnée à la volée est équipée d'un battant, relié au cerveau de la cloche par une bélière. Les anses permettent de lier solidement le cerveau de la cloche au joug. Les efforts qui permettent de mettre la cloche en mouvement sont appliqués par l'intermédiaire d'une roue manœuvrée aujourd'hui par une chaîne et un moteur, autrefois par une corde ou un balancier activés par les sonneurs. Un lexique complet des différents équipements et parties d'une cloche sonnée à la volée peut être consulté sur le site de la Société Française de Campanologie à l'adresse suivante : campanologie.free.fr.2.2 Tracé et profil
Les cloches coulées en bronze utilisées dans les églises ne sont pas antérieures au VIe siècle en France. Parmi ces cloches, les premières sonnées à la volée dateraient du début du XIIIe siècle. La forme des cloches évolue d'une forme très droite, en "ruche", vers une forme plus évasée, en "pain de sucre". Cette évolution aboutit vers le XIIIe ou XIVe siècle à une forme dite "gothique". Cette forme varie dans des frontières assez étroites entre le XIIIe et XVe siècle (Gonon [13]). La forme "gothique" est fixée définitivement au XVIe et XVIIe siècle avec la diffusion des premiers traités décrivant les méthodes de tracé correspondantes (voir Gouriou [14], Deforge [7], Gnehm et Hoffman [12]). Cette forme est assez proche de celle des cloches actuelles. D'un point de vue structurel, le tracé des cloches gothique produites aujourd'hui en France diffère peu de celui des cloches du XVe siècle (Deforge [7, p.46]). Chaque fondeur ayant mis au point son propre tracé, il existe bien sûr des différences entre chacun de ces tracés. Cependant ces différences jouent principalement sur l'acoustique des cloches. Pour le sujet qui nous intéresse - la poussée d'une cloche de forme gothique - les variations de tracé et leur impact sur ces poussées peuvent être négligés. Nous nous intéresserons dans la suite uniquement aux cloches de forme gothique, d'un diamètre supérieur à 60cm. Pour un type de tracé donné, la géométrie d'une cloche est caractérisé par son épaisseur. Par tradition, cette épaisseur est exprimée par le rapport $\d/\t $ appelé profil, avec $d$ le diamètre de la cloche au niveau de la bouche, et $t$ l'épaisseur de la cloche au niveau de la panse. Le profil peut varier entre 9 et 19 d'après les sources disponibles, les profils les plus courants pour les cloches sonnées à la volée semblent être compris entre 11 et 15. Le profil est souvent désigné par une expression plutôt que par sa valeur numérique. On parle alors de profil ultra-lourd (ou extra-lourd, super-lourd), lourd, moyen, léger, ou encore ultra-léger (ou super-léger). Il ne semble pas exister de consensus pour relier à ces expressions des valeurs numériques bien définie. C'est pourquoi nous utiliserons dans la suite les expressions numériques pour désigner les profils $\d/\t $.Fig 1: Evolution de la forme des cloches
Anses non représentées
Anses non représentées
Fig 2: Cloches en "pain de sucre" (Toscane, Italie)